jeudi 13 octobre 2016

Pu jamais!

Écouerré!

Je l'étais vraiment avant ce marathon d'Albany. Les longues sorties de plus de 2h qui monopolisaient une partie de mes temps libres en regardant constamment ma montre pour être certain que je courais à la vitesse prescrite, les retours de mon entraînement sur piste du mardi soir où j'avais de la difficulté à m'endormir tôt après avoir couru 26km au total avec 10km d'intervalles sur la piste, et les jeudis midis au Parc Jarry sur mes heures de lunch où je devais me botter les fesses pour faire d'autres intervalles, et tout recommencer semaine après semaine pendant deux mois. Tout en me coachant moi-même et en organisant mon horaire pour que l'impact sur ma famille soit négligeable.

Courir avec Mathéo est la façon la plus le fun d'ajouter des km sans regarder ma montre.

 
Après avoir passé deux ans à m'entraîner pour me qualifier pour le marathon de Boston en 3h10, j'ai passé les trois années suivantes à m'entraîner pour casser la barre du 3h. Et ajouter en cours de route l'objectif de me qualifier pour le marathon de New York en 2h57 pour mes 40 ans. Ça fait 13 marathons consécutifs à pousser le corps humain à l'entraînement et lors des marathons, deux fois par année depuis six ans maintenant. Ça devient un peu fatiguant physiquement et mentalement.

L'avantage de s'entraîner à la chaleur!


J'avais déjà commencé à mentionner à mes proches, surtout à Julie, que je ne pensais plus m'entraîner aussi fort pour mes prochains marathons, peu importe le résultat d'Albany. Raison de plus pour tout donner à Albany et c'est également la raison pour laquelle j'ai fait attention de ne pas aller dans mes réserves lors des entraînements et que je n'ai pas fait de course préparatoire, histoire de garder toute mon énergie pour une seule course.

J'arrive confiant et dans un bon état d'esprit à Albany, gracieuseté d'une semaine très relax d'entraînement, d'une journée au spa, de deux massages et de deux séances d'acupuncture. Et Mathéo m'a offert un grand coup de pouce en dormant en général 30 minutes de plus le matin le mois précédent le marathon.

Les guerriers sont prêts!


Sur la ligne de départ, mon plan de match est clair dans ma tête depuis quelques jours déjà: avec 10 degrés au départ et 13 degrés à mon arrivée prévue, c'est short et camisole, pas de bouteilles d'eau sur moi, un gel Rocktane aux 9km, des capsules de sel au cas seulement et une stratégie agressive avec un premier demi-marathon en 1h26-1h27 et le second en 1h30 pour 2h57.

J'estime que je devrais terminer dans les 40 premiers alors je prends position en conséquence sur la ligne de départ, à droite, parmi un peu plus de 1 000 coureurs.







Les premiers kilomètres vont super bien et je suis même plus rapide que prévu. Au 5e km, je constate que j'ai couru en 20 minutes et des poussières. Je commence déjà à me dire que je devrais ralentir légèrement car autrement je vais payer plus tard. Juste après le 5e km, on entre dans la forêt sur la piste cyclable (c'est très beau!) et je me détache de quelques coureurs pour suivre deux grands gars qui courent à 4 minutes le kilomètre. C'est très (trop) rapide car ça correspond à ma vitesse pour un demi-marathon mais comme ils me coupent le léger vent de face, je décide de les suivre. Je franchis finalement les 15 premiers km du marathon en 1h! Ça égale mon temps le plus rapide...mais sur un demi-marathon alors qu'il ne reste que 6km à courir, contre encore 27 pour moi! Je vais vraiment payer plus tard...mais j'accepte le risque et en même temps je suis mon plan de match.

On court sur une piste cyclable à compter du 5ekm.

Une des belles vues de la course, juste avant qu'on entre dans la forêt, avec de superbes vues sur la rivière Hudson.


Un des deux gars ralentit légèrement autour du 15ekm et après un instant d'hésitation, j'accélère sur quelques mètres pour rester collé derrière l'autre coureur. Peu de temps après, le coureur se tasse complètement à gauche et j'ai l'impression qu'il est tanné que je cours juste derrière lui. J'ai ma première conversation de la course:

Moi:
-Sorry, you're stronger than me and I cannot pace you. But I'll give you a beer after the race! What's your target?

Lui
-2:58 for New York City Marathon. You?

Moi:
-Same. Under 2:58 for NYC Marathon. What's your best marathon so far?

Lui:
-2:58, 3 years ago here. You?

Moi:
-3:00 last year in Toronto. All right, I'll go back to my music.

Évidemment, aucun de nous deux ne mentionne à l'autre qu'à ce rythme, c'est en 2h52 qu'on complètera le marathon...

Et on court côte à côte pendant les minutes suivantes, au même rythme. Je trouve ça ridicule qu'on ne travaille pas ensemble pour se couper le vent mais comme il est plus fort que moi aujourd'hui, je ne peux rien faire.

Finalement, un premier coureur nous rattrape et on s'accroche à lui avant qu'on me largue tranquillement quand on approche des côtes au 18ekm. J'avais prévu ma liste de musique en fonction de ces côtes et je termine exactement sur les dernières notes de Run to the hills de Iron Maiden en haut de la dernière côte! Je commence à être un peu fatigué à l'approche du demi-marathon et j'ai hâte aux ravitaillements car je trouve que c'est peu de ne boire qu'aux 3km. J'avais pris mon 2e gel au début des côtes et j'avais demandé à Julie de m'apporter une bouteille au cas où lors du passage du demi-marathon, à l'endroit où ils sont supposés nous encourager.

Je franchis la moitié du parcours en 1h26 et 15 secondes (moyenne de 4m04), et je sais que je n'ai pas du tout respecté la règle mentionnant que dans un marathon, la première moitié est pratiquement un réchauffement et qu'on ne devrait pas avoir l'impression de forcer! :-)

J'aperçois finalement Julie, Mathéo, Isabelle et Benjamin, et je fais signe à Julie que je vais prendre la bouteille. Au lieu de la boire, je décide de m'asperger de la moitié de la bouteille sur la tête et BANG, le résultat est plus puissant que les deux gels que j'ai déjà pris. Je devais commencer à surchauffer sans m'en rendre compte car même s'il fait 10 degrés, mes pulsations cardiaques sont assez élevés à environ 95% de ma fréquence cardiaque maximale depuis le début de ce marathon.

On se prépare pour encourager papa!

À mi-chemin, heureux de voir mes supporteurs!

Je me sens en grande forme à nouveau et à ma surprise, les 8 km suivants sont en descentes! J'avais couru ce marathon il y a trois ans mais j'avais cassé du 18e au 28e km et je n'avais qu'un vague souvenir du parcours. Ça me fait une belle surprise non-planifiée et je me retrouve à nouveau à courir autour de 4m05 le km. Mes jambes vont super bien et j'ai du fun à courir avec la fille qui occupe la 2e place et échanger quelques paroles avec elle, en plus de passer deux fois dans des tunnels et de crier comme un enfant! Je finis même par presque rattraper le gars du 2h58 (qui terminera finalement en 2h52...).





En sortant de la forêt et de la piste cyclable, au 28e km de la course (j'ai maintenant 3-4 minutes d'avance sur mes prévisions), on attaque le segment le plus laid du parcours, sur la route avec les voitures qui passent devant (et près) de nous, sur une route maganée. J'étais prêt psychologiquement et j'ai une marge de manoeuvre qui me permet de ne pas trop stresser si je cours un peu moins vite. Heureusement, car c'est au début de ce segment que le plus de coureurs me dépassent, incluant une fille qui vient de s'emparer de la 2e place. Je reste positif et dans le moment présent et je cours pas mal au rythme que j'avais prévu, autour de 4m15 le km.

On me dépasse...mais j'ai encore du fun!



Autour du 32ekm, on court sur le bord de la rivière Hudson pour le dernier segment. Je prends mon dernier gel et je sais que c'est ici que ça passe ou que ça casse. Je consulte ma montre et un calcul rapide me permet de constater que je pourrais courir ce marathon en 2h55 si je maintiens le rythme...et qu'au pire, même à près de 4m45 le km je pourrais terminer en moins de 3h. Rassurant. J'ai tellement couru les jambes détruites à 4m15 le km à la fin d'une longue sortie intense que ça ne devrait pas être trop difficile. 



Physiquement, je n'ai aucune douleur. J'ai fait du renforcement musculaire (une première à vie!), surtout pour mes hanches, quelques fois par semaine au cours des trois derniers mois pour éviter les douleurs vécues à Toronto l'an dernier. Le corps est donc prêt et tient bien le coup...mais la tête m'abandonne. Je ne pensais jamais avoir de la difficulté à me motiver la fin de de ce marathon, surtout en étant dans mes objectifs de temps, mais c'est étrangement ce qui m'arrive.

Les kilomètres suivants ne sont pas très beaux dans ma tête. J'essaie de me parler, de penser à tous mes entraînements faits pour en arriver ici, à mes objectifs à portée de main, aux gens qui m'ont beaucoup encouragé, à mes proches, mais ça fonctionne très peu. Je sais que je peux encore réussir à courir en 2h57 mais il faudrait que j'accélère un peu. Le mieux que je trouve est de me motiver à allez rattraper un coureur à la fois parmi les derniers du demi-marathon qui vont compléter celui-ci en 3h (ils sont partis en même temps que nous mais à mi-chemin). Je me fais également rattraper par 1 ou 2 coureurs du marathon et j'en rattrape 1 ou 2 autres en chemin.

J'arrive à un stade, avec encore 6-7 km à faire, où je me fous totalement du temps final que je ferai: la voix du petit diable l'a emportée sur celle de l'ange. Je veux seulement finir ce marathon et je trouve que ça ne veut rien dire de le courir en plus de 3h ou en moins de 3h. Je suis écouerré de pousser autant mon corps dans les entraînements et lors des marathons depuis quelques années en regardant toujours ma montre pour essayer d'aller plus vite.

Au 40ekm, je me dis que je vais quand même sprinter (ou accélérer un peu au moins!) mais mon corps ne veut pas répondre. Merde! J'avais au moins imaginer que peu importe le temps final, j'allais être capable de pousser un peu à la toute fin, ce que je réussis normalement à faire. 500 mètres plus loin, je commence à apercevoir (enfin!) quelques spectateurs et je devine au loin la ligne d'arrivée. Ça prend ça à mes jambes (ou ma tête?) pour enfin réussir à accélérer! Je regarde ma montre et je réalise à ma grande surprise que le 2h57 est peut-être encore possible mais ce sera hyper serré. Je ne fais que courir le plus vite que je peux en laissant de côté ma montre, surtout que la distance d'un marathon n'est jamais exactement la même d'un parcours à l'autre. Je n'ai encore pas mal physiquement mais c'est quand même super difficile. Quand ma liste de musique se termine avec mon classique Bro Hymn de Pennywise, je donne vraiment tout ce qu'il me reste. Je sais que j'ai moins d'une minute restante pour terminer ce marathon en 2h57 (liste de musique de 2h57 01 seconde!) et ma montre indique effectivement 2h57 de course!

Au moment exact où je vois pour la première fois la ligne d'arrivée et le chrono qui indique 2h57 et une vingtaine de secondes, avec environ 100 mètres à faire, j'aperçois Julie, pratiquement en plein milieu du parcours qui me regarde et qui hurle: Go Phil, pousse, tu vas l'avoir!!! C'est à ce moment précis que je comprends que je vais réussir ma qualification pour le plus gros marathon au monde, celui de New York, qui demande un temps de 18 minutes plus rapide que celui de Boston pour mon groupe d'âge!



Objectif atteint!



No pain, no gain.

Je franchis la ligne d'arrivée, vidé. Fier de moi mais pas émotif comme je l'aurais cru. Je suis vraiment écouerré en fait. J'ai eu du plaisir une grande partie du marathon et je suis très heureux de la conclusion (surtout quelques jours plus tard) mais sur le coup, ce n'est pas la fierté qui dominait.

Pu jamais!

Ce furent mes premières paroles lorsque j'ai vu Julie quelques instants après mon arrivée.

Dégustation de gâteaux au fromage du Cheesecake Factory!


Quelques jours plus tard, mon verdict n'a pas changé: je n'ai AUCUNE intention d'aller battre mon record de 2h57 dans un prochain marathon. Je ferai celui de New York pour profiter à fond de l'expérience, bien entraîné mais sans pression. Est-ce que j'aimerais courir des marathons prestigieux? Oui. En moins de 3h? Peut-être. Je sais en tout cas que je n'ai plus envie de choisir mes marathons presque uniquement en fonction de leur rapidité. Ça fait des années que je souhaite courir celui de Québec, par exemple, qui n'est pas un marathon rapide. Et qui sait si je ne referai pas celui de Montréal, si la 2e partie du parcours est modifiée...:-)



Tout ça pour cette médaille? se demande Mathéo











Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire