mardi 8 octobre 2013

En route vers Boston

22 décembre 2012: Après être allé faire ma première sortie de ski de fond de l'année au Parc Maisonneuve, je déjeune rapidement et je m'inscris au marathon d'Ottawa du 26 mai 2013. Je peux ensuite me concentrer sur ce qui m'attend ce soir-là... mon mariage! Pour avoir délibérément choisi de m'inscrire au marathon d'Ottawa la journée de mon mariage donne une idée de l'importance que j'accorde à cette course pour me qualifier au marathon de Boston en 2014...

Après avoir tellement souhaité me qualifier pour le marathon de Boston en 2012, celui-ci fut finalement l'épreuve sportive la plus difficile de ma vie (voir autre article pour les détails). J'ai souhaité très fort retourner courir ce prestigieux marathon pour le vivre, du moins je l'espère, d'une toute autre façon. Les événements tragiques survenus lors du marathon de Boston en 2013 m'ont encore plus donné envie d'y retourner.

Afin de me qualifier pour Boston, je devais courir un marathon en moins de 3h10. Ayant travaillé très fort pour retrancher 3 minutes lors du marathon d'Ottawa 2 ans auparavant (chrono de 3h13), je savais que retrancher un autre 3 minutes me demanderait beaucoup de travail. D'autant plus que le marathon d'Ottawa a modifié son parcours depuis ma dernière présence et qu'il y a maintenant 2 sections avec des côtes, toutes deux après les 20 premiers kilomètres en plus.

Je me suis entraîné plus fort que jamais pour ce marathon, passant d'une moyenne de 3 entraînements par semaine pour 60km au total à 4-5 entraînements avec 80km lors de ma plus grosse semaine d'entraînement. La plus grande différence dans mon entraînement fut cependant de modifier mes entraînements afin qu'ils soient tous axés avec comme objectif de terminer en force mon marathon (dans tous mes marathons précédents, ma vitesse diminuait passablement dans la 2e partie de celui-ci). Certains disent qu'un marathon, c'est 30km de réchauffement pour 12km de course et je partage cet avis.

Je me suis donc créé un programme d'entraînement sur mesure qui débutait à la mi-mars (pour ma fête!) de 11 semaines, soit 8 semaines d'entraînement et 3 semaines de taper (repos progressif).

Au cours de ces semaines, j'ai vécu autant de hauts que de bas. J'ai parfois complété des entraînements qui m'apparaissaient très difficiles sur papier (ou qui paraissaient faciles sur papier mais très difficiles dans la pratique!) et j'ai dû en plus composer pour la première fois avec une périostite, résultat d'une recommandation de chaussure presque minimaliste à l'automne précédent qui n'était aucunement adaptée à ma technique de course. Heureusement que ma blonde est acupuncteure et qu'elle savait à quel point ce marathon était important pour moi car ce n'est pas tout le monde qui aurait voulu soigner un gars qui ne veut pas modifier son plan d'entraînement ni réduire son intensité ou son volume pendant les traitements! Les bas de compression sont également devenus encore davantage mes meilleurs amis!

J'avais également décidé de ne pas faire de course en préparation du marathon alors que j'avais toujours couru un demi-marathon en préparation de mes marathons. Ceux ni ne cadraient pas dans mon programme d'entraînement et j'ai seulement opté pour la course de 10km de LaSalle à la fin mars (ce 10km fut mon pire 10km à vie d'ailleurs!).

À la fin avril, après ma plus grosse semaine d'entraînement à vie (80km), je sens que mon corps est fatigué et je décide de prendre un taper de 4 semaines au lieu des 3 semaines prévues initialement. Autour de moi, les gens prenaient plutôt 2 semaines de taper au lieu de 3! J'essaie de me faire confiance et comme mes entraînements étaient difficiles, je sens que je dois me reposer si je veux être en grande forme pour le marathon.

Le doute s'installe quand même en moi sur mes techniques d'entraînement et la fatigue accumulée. Je décide même de m'inscrire à un marathon super rapide aux États-Unis en octobre et qui sera mon plan B si jamais je ne réussis pas à me qualifier pour Boston à Ottawa.

J'essaie en même temps de m'enlever un peu de pression en me disant que je ferai de mon mieux à Ottawa et que ce n'est pas la fin du monde si je ne réussis pas en moins de 3h10. Je décide alors de me fixer des objectifs A, B et C (moins de 3h10, moins de 3h13 et plus de 3h13).

25 mai 2013: Je quitte Montréal avec Julie pour Ottawa où je me dirige ensuite vers l'expo-marathon me mettre dans l'ambiance, m'acheter ma future paire de souliers après-marathon (fuc* le minimaliste, j'y vais avec des Kayano d'Asics, les souliers les plus à l'opposés du minimaliste!) et voir quelques amis. On va ensuite encourager ma soeur qui court le soir même son premier 10km en tant que maman et j'ai vraiment hâte au marathon le lendemain!

Après une nuit de sommeil en intervalles (...), je finis par préférer me lever plus tôt que prévu vers 5h30 et avoir le plaisir de déjeuner avec ma soeur qui s'occupe de son bébé. Ensuite, fidèle à la dernière fois, je préfère me rendre au départ du marathon sur mon vélo de ville pour les 5km à faire.

Très heureux juste avant le départ pour le marathon!

Ma façon préférée de me rendre à un marathon et de me réchauffer les jambes en même temps!


J'arrive un peu juste pour le départ du marathon (il y a vraiment beaucoup plus de coureurs que 2 ans auparavant!) mais je me positionne pas très loin derrière le lapin de 3h10 et j'aperçois Phil le pirate avec qui j'avais couru le marathon de Boston en 2012 et qui tente également de s'y qualifier à nouveau. On discute un peu et celui-ci me rappelle qu'en raison des explosions à Boston, l'engouement est grand pour cette course en 2014 et qu'il faudra courir plus vite que le standard de qualification. Une minute (écourtée) de silence est d'ailleurs faite en mémoire de ceux qui ont perdu la vie à Boston.

8:30: C'est un départ pour le marathon!

Je pars à un rythme confortable en gardant à vue le lapin du 3h10. Je ne veux pas courir avec le lapin du 3h10 mais je veux m'assurer de ne pas partir trop vite. On passe tout de suite devant le Parlement d'Ottawa et on suit le Canal Rideau pour les premiers kilomètres. Après seulement 2km, je cours un peu plus rapidement que prévu (mon rythme devrait être de 4m30) et je me retrouve juste derrière le lapin de 3h10. Je cours avec lui en me demandant si je devrais rester avec lui ou non. En fait, j'ai peur de rester avec lui et de manquer de jus à la fin et donc de terminer en 3h11. J'avoue également que de courir un marathon complet au rythme dicté par quelqu'un d'autre, ça ne me parle pas beaucoup même si ce serait sûrement une bonne idée d'un point de vue rationnel!

Finalement, je sens que j'ai de bonnes jambes (vive le long taper et le massage d'Isabelle Turcotte 3 jours avant!) et je me rappelle les paroles échangées avec Phil au départ alors je décide de faire ma propre course et je dépasse le lapin du 3h10. Il ne me reste qu'à souhaiter ne plus jamais le revoir de la course...

Les spectateurs sont déjà nombreux sur ce superbe parcours et l'un d'eux a une affiche avec un soulier en or collé sur l'affiche. Il semblerait qu'en le touchant ça porte chance. Je sus prêt à tout faire aujourd'hui alors je fais un petit crochet pour aller toucher son soulier!

Jusqu'au 10e km, je cours à mon rythme, en surveillant plus ma montre pour mes pulsations cardiaques que ma vitesse comme je cours surtout au feeling. Je réalise qu'autour de 4m20 le km je suis dans ma zone et que mes pulsations sont également dans une bonne zone autour de 162 battements/minutes. Je cours avec 2 gars qui semblent avoir la même vitesse que moi et je vois au loin le lapin du 3h05, duquel je ne veux pas m'approcher pour ne pas me brûler!

Tout va super bien, je largue les 2 autres gars lorsqu'on arrive dans la Petite Italie au 10e km et je suis dans mes temps prévus tout en ayant du plaisir à lire les nombreuses affiches des supporteurs. Mes préférées sont ''Got stamina, call me", ''Shortcut this way'' et celle de jeunes filles indiquant qu'elles sont venues nous encourager seulement pour voir nos belles fesses de coureurs! Même si la course est jeune, je sens que je suis dans une bonne journée et la météo est parfaite en plus (autour de 13 degrés). Je sens que je peux continuer à courir au feeling à 4m20 comme mes pulsations cardiaques demeurent basses.

Autour du 12km, je me rapproche tranquillement d'une fille qui court vraiment toute seule mais pas très loin du lapin de 3h05. Je me demande pourquoi elle ne court pas avec le lapin pour se protéger du vent. Je la dépasse tranquillement et tout à coup, je me retrouve vraiment tout près du lapin de 3h05. Merde! C'est beaucoup trop vite pour moi, je ne peux pas courir un marathon en 3h05, c'est impossible. Je ne suis déjà pas super confiant de pouvoir le faire en 3h10 alors...

Je dois me décider. J'ai fait mes devoirs et bien étudié le parcours et pour l'avoir couru il y a 2 ans je sais qu'on approche d'une longue partie exposée au vent. J'y vais. J'accélère légèrement et je rattrape le groupe d'environ 20 personnes qui courent avec le lapin au moment ou ceux-ci passent la table de ravitaillement du 14ekm. Je prends un premier gel, regarde ma montre et constate que ça fait exactement 1h que je cours.

Les kilomètres suivants se passent dans une belle ambiance avec mes nouveaux amis. Le gros avantage de suivre un lapin et son groupe, en plus d'être protégé du vent, c'est de ne plus avoir à se soucier de sa vitesse. Je peux donc me concentrer uniquement sur ma technique de course et bien m'hydrater. Tout va tellement bien qu'après quelques kilomètres, malgré notre vitesse rapide, mes pulsations sont descendues à 158. Je sens que je pourrais courir un peu plus vite et je dois me retenir pour ne pas partir tout seul. Je sais qu'une section de côtes s'en vient autour du 20ekm et je préfère finalement garder mon énergie pour ces côtes. Je poursuis donc avec le groupe et lorsqu'on franchit la marque du demi-marathon, ma montre indique 1h31! Wow, c'est 2 minutes plus vite que prévu et tout va super bien! J'ai une pensée pour notre coach de course à pied Steeve qui doit se dire que je suis encore parti trop vite...

C'est à ce moment que l'émotion commence à me gagner. Je sens que même si je ne sais pas si je maintiendrai ce rythme, je devrais être capable de compléter ce marathon en moins de 3h10. Je deviens très ému et je pense à la joie qu'aura Julie de me retrouver courir avec le lapin du 3h05 dans quelques kilomètres à un des endroits prévus qu'elle m'encourage. Je croise effectivement Julie et ma mère lors de notre passage au 26ekm avant de traverser le pont vers Ottawa. Je leur fais des pouces en l'air et je suis vraiment fier de ma course, ayant de la difficulté à croire à quel point tout se passe bien.



On traverse le pont et la foule la plus impressionnante du parcours nous attend de l'autre côté, juste avant une longue boucle d'environ 10km. Je réalise alors que mon ami Majid, un coureur beaucoup plus rapide que moi, se trouve dans mon groupe. On s'approche tranquillement des côtes autour du 30ekm et je sais que c'est là que tout se jouera. Mes jambes m'envoient pour la première fois le signal qu'elles ont compris dans quoi je les avais embarquées mais mon énergie est super bonne et je souhaite rester avec mon lapin, espérant même un sprint final pour terminer en 3h04 et ainsi me qualifier pour Boston par plus de 5 minutes.

On franchit la fameuse marque du 30ekm après 2h11 (encore 2 minutes plus rapidement que prévu) et la nouvelle chanson ajoutée à la dernière minute sur ma playlist marathon (remix techno de Boom Boom Pow de Black Eyed Peas) me donne le coup de fouet parfait pour attaquer une des côtes alors que le lapin commence à me demander plus d'efforts pour le suivre. Je réussis à m'accrocher difficilement au lapin jusqu'au 35ekm et tranquillement celui-ci commence à s'éloigner. Il reste encore 7km et c'est trop tôt pour tout donner pour m'accrocher à celui-ci. Je me donne comme objectif de le garder à distance et je suis quand même impressionné de voir que je cours encore autour de 4m20 le km après 35km et plus de 2h30 de course!

Julie et ma mère doivent m'attendre autour du 37ekm et ça me motive encore davantage à garder le lapin à distance de vue. J'ai de l'orgueil et je souhaite également que ma mère me voit pour une fois réussir mes objectifs lors d'un marathon auquel elle assiste. J'aperçois enfin Julie et ma mère autour du 38ekm et je suis tellement heureux, sachant qu'il ne me reste que 4km et que je devrais réussir mon marathon en 3h05! Leur présence et l'énergie de la foule me donnent des ailes pour le kilomètre suivant. Le 40e km est cependant le plus difficile de la journée et c'est la première fois que je ne réussis pas à courir sous les 4m30 le kilomètre. Je m'accroche et j'essaie de garder le rythme...et j'aperçois à nouveau le gars avec son soulier doré! Je vais le toucher à nouveau pour qu'il me porte chance dans mon sprint final à venir et je lui dis que ça marche son truc!



Après un dernier tournant, c'est enfin le dernier kilomètre. Je suis vraiment au bout de ce que je peux donner mais je me force à accélérer lorsque je vois la pancarte du 750 mètres et le lapin toujours en vue...même pas 2 fois la piste d'Étienne-Desmarteau donc un peu plus de 3 minutes...go Phil go!

Je m'étais souvent imaginé franchir la ligne d'arrivée de ce marathon en moins de 3h10 comme dans un film: avec les larmes aux yeux, en criant de joie ou super ému tout simplement. Finalement, j'étais tellement fatigué que j'ai seulement pu lever les bras dans les airs en faisant le V de la victoire. Chrono final: 3h05 et 45 secondes! 1h31 au premier demi et 1h33 au deuxième demi!

Majid m'attendait à la ligne d'arrivée et Julie et ma mère arrivent par la suite, mentionnant que j'avais couru trop rapidement pour elles et qu'elles ont donc manqué mon arrivée! :-)

Majid m'attendait à l'arrivée, frais comme une rose!

J'ai le sourire fendu jusqu'aux oreilles et en embrassant ma mère qui a les yeux mouillés, c'est à mon tour d'avoir les yeux mouillés. Je n'en reviens tout simplement pas...c'est le marathon que j'ai couru pour lequel j'avais le moins confiance en moi et ce fut une course parfaite au final. Je suis fier de mon chrono mais fier également de mes nouvelles techniques d'entraînement qui se sont avérées très payantes finalement.

Moment d'émotion avec ma mère à l'arrivée...faut dire que je suis son fils préféré...



Julie m'avait rappelé avant le marathon que je ne devais garder qu'un objectif en tête: moins de 3h10.                            Mission accomplie femme!

Nous sommes maintenant au début octobre et j'ai eu la confirmation il y a 2 semaines que je serai sur la ligne de départ du marathon de Boston en avril 2014!

J'ai tout de même décidé de courir mon marathon plan B, soit celui d'Albany, ce dimanche. Après le marathon d'Ottawa, Julie m'a offert le livre de Yves Boisvert (Pas, que je recommande à tous les coureurs et même les non-coureurs) et m'indiquant qu'elle était certaine que j'étais capable de courir un marathon en moins de 3h...

Je ne suis pas certain d'y croire et la parcours me semble finalement moins rapide que prévu mais j'ai bien l'intention d'au moins essayer... :-)

Philippe