lundi 27 octobre 2014

Marathon d'Amsterdam: Contrôler ce que je peux contrôler

18 octobre 2014, 20h30.

Nous venons enfin de rentrer à notre hôtel à Amsterdam après avoir attendu trop longtemps nos repas take out qui ne devaient prendre que 15 minutes à préparer. Ça fait qq heures que je suis un peu étourdi sans savoir si c'est la faim ou la fatigue (probablement les deux). On ouvre finalement nos sacs contenant nos soupers et je ne peux m'empêcher de lâcher un sacre en voyant la grosseur de ma portion de lasagne la veille du marathon. Heureusement que Julie avait commandé un surplus de riz avec son plat Indien. Je dévore mon entrée de lasagne, mange une partie de son riz et me dit que ça devrait faire l'affaire car il est près de 22h et que je dois préparer mes trucs pour le lendemain avant d'aller me coucher.

Nous avons quitté Liège en Belgique le matin même à 11h30 pour l'habituelle tournée des transports, heureusement avec Mathéo qui fut un excellent voyageur tout au long du voyage, particulièrement dans les transports. 10 minutes de train pour changer de gare à Liège, 1h pour se rendre à Bruxelles, attente de 90 minutes à l'aéroport de Bruxelles pour manger un sandwich, enregistrer les bagages et passer les contrôles, arrivée à Amsterdam à 17h, attente des bagages, autobus de 15 minutes pour s'arrêter rapidement à l'expo-marathon récupérer mon dossard et chandail offert, tramway complètement bondé pour se rendre au centre-ville d'Amsterdam en 20 minutes et 20 minutes de recherche de notre hôtel à pied avec Mathéo et tous nos bagages pour arriver à l'hôtel à 18h30.

J'ai toujours adoré visiter les expo-marathon mais avec Julie et Mathéo qui m'attendent, ce fut surtout l'occasion d'un léger réchauffement à la course à pied pour faire ça le plus vite possible. J'ai quand même pris quelques photos pour montrer l'ambiance: un DJ qui anime et un superhéro géant rappelant le thème du marathon cette année. L'ambiance est à la fête sur place mais c'est demain que la fête aura lieu de mon côté. J'ai au moins le temps d'apercevoir le fameux Stade Olympique où aura lieu le départ et l'arrivée du marathon. Il s'agit du Stade utilisé pour les JO de 1932, premiers Jeux où les femmes ont d'ailleurs pu courir le marathon et première fois que la fameuse flamme Olympique fut allumée.







Julie est super excitée pour moi et me demande comment je me sens à la veille du marathon. J'ai très hâte d'aller courir, de découvrir ce beau parcours, mais je ne me sens pas très compétitif, surtout après une semaine de vacances en Europe. Je sais également que la différence est grande entre un marathon en 3h04 (mon plus rapide à présent) et un marathon en 2h59 et que je devrai être prêt à souffrir.

Malgré tout, je me suis bien entraîné les 2 mois avant ce voyage et j'ai quand même 4 plans pour ce marathon:

Plan A: Moins de 3h
Plan B: Record personnel
Plan C: Qualification pour Boston en moins de 3h10
Plan D: Le terminer!

La météo annoncée est de 18 degrés au lieu des 13 degrés habituels et ils ont même émis un avertissement de chaleur! Ça fait beaucoup rigoler les Nord-Américains habitués à courir des marathons à des températures plus élevés! Les vents annoncés sont de 40km/h, ce qui sera une première pour moi.

Sans être des conditions dramatiques, pour ces raisons, j'oublie déjà mon plan A et je pense que le plan B peut être réaliste mais je sais qu'au fond de moi, l'important est que je le termine, sauf en cas de blessure. Je n'aurais jamais pensé dire ça mais depuis mon abandon du marathon d'Ottawa, ça m'est resté en tête et je ne veux plus vivre ça. Ça semble ce qu'il y a de plus facile à faire d'abandonner quand tout va mal mais c'est bien pire mentalement par la suite et ça reste en nous. Je ne veux pas revivre ça.

Je dors bien pour une veille de marathon, encore une fois avec la contribution de Mathéo qui fait sa nuit. Je me réveille en avance et comme je m'enligne pour avoir 1h à attendre mon départ au Stade, j'accepte finalement l'offre de Julie qu'elle m'accompagne avec Mathéo pour me voir dès le départ. Je m'occupe de Mathéo pendant que Julie se prépare, mais un bébé étant un bébé, on sort de notre hôtel 15 minutes plus tard que prévu, à 8h45. Le départ du marathon est à 9h30 et on doit marcher 5 minutes vers la gare de train et c'est ensuite 20 minutes de métro. Je vois un taxi devant notre hôtel et j'ai une envie de le prendre mais je me dis qu'on sera OK.

On arrive à la gare de train et on perd 15 minutes avec la machine automatique pour acheter des titres de transport. Je souhaitais me procurer les billets la veille mais j'étais finalement trop fatigué pour m'occuper de ça. Je commence à stresser pas mal lorsqu'on embarque finalement dans le métro à 9h...

Pas le choix, je devrai franchir les 1,5km entre la station de métro et le Stade en réchauffement pour le marathon...sauf qu'il est 9h20 lorsque je sors du métro...ça fait un réchauffement pas si mollo que ça, en plus que je dois demander mon chemin. J'embrasse Julie et Mathéo et on se confirme les points de rendez-vous.

Toujours dans le métro à 9h20...le départ du marathon est à 9h30...


J'arrive finalement au Stade juste avant 9h30 pour réaliser que l'entrée vers le Stade est super étroite et que je ne peux dépasser les autres coureurs pour aller rejoindre ma vague de départ, pour les gens qui visent à le faire en 3h. Dans ma tête, c'est la panique. J'aurais envie de pleurer. Je ne peux croire que je traverse l'Atlantique pour faire un marathon et que je manquerai mon départ de 2 minutes. J'entends sans le voir le départ des pro et de ma vague. Je dois me parler, travailler mon mental et me rappeler mon mantra pour ce marathon: contrôler ce que je peux contrôler. Je me convainc que ce n'est pas grave, que mon plan de suivre le lapin de 3h compte tenu de la météo m'aurait peut-être brûlé. J'arrive finalement sur la piste où part le marathon et je vois un corridor libre qui semble être celui des coureurs de ma vague qui sont déjà partis. Je crie aux bénévoles 3h marathon et ils me regardent en voulant dire :Whatever, ta vague est déjà partie mais va y.

Vue de l'intérieur du Stade Olympique la veille du marathon


C'est finalement un départ. Je me force à crier un peu et lever les bras dans les airs pour prendre une attitude positive. Je fais un demi-tour de piste et on sort du Stade au son de musique techno super forte.

Je cours complètement à droite pour essayer de rejoindre des coureurs qui courent à ma vitesse. Sauf que les rues sont vraiment étroites sur les 2 premiers km du parcours avec 16 000 marathoniens et on doit en plus faire attention au sol car c'est une voie empruntée par les tramways et il y a beaucoup de rails par terre. En arrivant dans le plus grand et plus beau parc d'Amsterdam (Vondelpark), je sens que j'ai rejoint des coureurs de ma vitesse et que je peux être plus constat.
L'entrée du Vondelpark où nous passons après 2km


À ma surprise, lorsque j'arrive au 5ekm, j'y suis exactement dans mes temps prévus. Je sens par contre que j'ai dépensé plus d'énergie que prévu avec mes nombreuses accélérations et je ressens déjà le soleil et les 18 degrés. Les stations d'aide sont situées à tous les 5km et je m'asperge déjà d'eau sur la tête et sur le corps. Les bénévoles semblent surpris, ça semble moins populaire comme moyen de ne pas surchauffer en Europe qu'en Amérique.

Au 7ekm, pas le choix, j'ai déjà besoin de prendre un gel. Je me dis que la journée sera longue car je n'ai jamais pris de gel si tôt dans un marathon. De toute façon, avec l'espèce de jus d'orange à la McDonald qu'ils donnent comme boisson sportive, sûrement sans électrolyte, je dois encore plus que d'habitude prendre mes gels et mes capsules de sel.

Enfin, je continue quand même à courir autour de 4m15-4m20 le km et le gel me donne un peu d'énergie. On franchit ensuite un des points marquants du marathon en passant à travers le splendide bâtiment abritant le musée le plus populaire d'Amsterdam (Rijksmuseum). Je croise Julie et Mathéo qui m'encouragent et je leur fais un beau sourire en pointant ma montre pour signifier que je suis sur mes temps de passage.

Un des symboles du marathon d'Amsterdam: courir sous le Rijksmuseum


La foule est très nombreuse à nous encourager mais elle est silencieuse, criant seulement pour les coureurs qu'elle connaît. J'essaie de les réveiller un peu en leur faisant signe qu'on ne les entend pas mais j'obtiens un résultat mitigé. On cours toujours dans les rues d'Amsterdam et l'architecture est superbe et dépaysante. Dans une courte section aller-retour, je croise le groupe de tête, une quinzaine d'Africains, suivi un peu plus loin de la personne qui devait être mon guide touristique pour la journée, le lapin du 3h qui court avec des ballons blancs inscrits 3h dessus. Plusieurs coureurs sont avec lui et je suis surpris qu'ils sont seulement 1-2 minutes devant moi. J'en suis heureux mais je décide de conserver le même rythme et de ne pas tenter de les rejoindre. Tant mieux si c'est le cas mais je ne veux pas me brûler davantage et je me doute que je n'ai pas la journée pour réussir un marathon en 3h aujourd'hui.

Au 10ekm, on sort de la ville pour longer une rivière pour les 20 prochains km qui nous amènent dans la campagne d'Amsterdam. Ça ressemble un peu au marathon d'Ottawa autour du Canal Rideau mais c'est la vraie campagne autour avec des champs verts et de superbes maisons de campagne. Des bateaux de l'organisation circulent sur la rivière avec des DJ qui font jouer de la musique techno super forte. Vraiment sympathique. Ce qui est moins sympathique, c'est le puissant vent de face de 40km/h. J'essaie de courir avec d'autres coureurs et de conserver la même vitesse mais après seulement 10km dans le marathon, c'est mauvais signe de devoir forcer autant. Je m'encourage en sachant qu'en revenant de l'autre côté j'aurai le vent de dos pour les 10km suivants.

J'arrive au turn-around près de la marque du 20km et je suis heureux de constater que j'ai à peine ralenti ma vitesse, mais je me sens fatigué. Je prends un deuxième gel et je constate que je ne sens pas le vent de dos que j'espérais, et que le gel ne fait pas une grande différence. Merde. Je sais à ce moment que c'est terminé pour moi aujourd'hui, que j'aurai couru les 20 premiers km mais que je devrai me contenter de survivre pour les 22 prochains. Je ne suis pas particulièrement surpris ni déçu. Je me dis que je vais y aller pour le plan C, une qualif pour Boston en moins de 3h10 et que j'en profiterai pour observer davantage le paysage et profiter de la chance que j'ai de courir ce marathon.

On franchit d'ailleurs la marque du demi-marathon tout près d'un fameux moulin à vent de la Hollande et je suis à 1h33 de course. Mais tranquillement, ma vitesse diminue, passant autour de 4m30 le kilomètre vers 4m45 au cours des kilomètres suivants.

Au ravitaillement du 25ekm, je commence à me sentir étourdi (fatigue et manque de nourriture je pense) et pour la première fois je marche environ 1 minute à la station d'aide en buvant et en m'aspergeant d'eau. Le soleil nous a quitté après 10km et c'est maintenant nuageux mais j'ai quand même très chaud.

La petite pause me fait du bien et le plus beau moment de mon marathon approche alors que Julie et Mathéo m'attendent autour du 26ekm. Je ralentis pour m'arrêter à la hauteur de Julie et je sens dans son regard qu'elle a peur que je lui mentionne que je vais abandonner. Je lui dis plutôt que je n'ai aucune énergie et que c'est tough mais que je vais le terminer, probablement autour de 3h10. Je l'embrasse et embrasse Mathéo qui est bien réveillé et je poursuis ma route avec un regard derrière moi en leur direction. Je sens une vague d'émotion m'envahir. Faut vraiment aimer quelqu'un pour se déplacer en métro sur le parcours avec un bébé de 3 mois pour l'encourager et le voir seulement qq secondes.

Mon petit bonheur sera de courte durée. On est maintenant dans la partie laide du marathon, une zone industrielle, et je cours sur le pilote automatique autour de 5 minutes du km maintenant. Je me fais énormément dépasser et je suis vraiment étourdi. Je réalise que ne réussirai jamais à compléter le marathon en 3h10 et que ce sera plutôt autour de 3h20-3h30. Je décide de ne pas trop m'en faire, de ne pas trop consulter ma montre et d'y aller un km à la fois et de marcher un peu aux stations d'aide. Je commence à remercier les bénévoles et je me surprend même à chanter un peu pendant que Cum on feel the noize joue sur mon iPod (essayez de résister à cette chanson en courant!).

Autour du 30ekm, la pluie débute. Re-merde. Je cours maintenant autour de 5m30 le kilomètre et j'ai presque froid. Je pense également à Julie avec Mathéo qui m'attendra plus longtemps que prévu sous la pluie. J'essaie d'aller plus vite mais je n'ai aucune énergie. Je cours maintenant plus lentement que lors de mes marathons à la fin de mes Ironman! Je ne comprends pas car je m'étais bien entraîné pour ce marathon mais visiblement l'absence de carb load efficace (manger beaucoup de glucides, des pâtes entre autres, les jours précédent le marathon...normalement je mange comme un ogre la veille d'un marathon) et probablement mes accélérations au début du marathon m'ont fait mal.

J'aurais TELLEMENT envie d'abandonner mais je me suis juré que ça n'arriverait pas, à moins d'une blessure. Les km passent tellement lentement mais heureusement, autour du 35ekm, on arrive dans la ville à nouveau et je peux profiter de l'architecture. Des supporteurs commencent également à m'encourager en criant mon nom inscrit sur mon dossard...je présume que je dois avoir l'air d'un gars qui en a besoin!

Un gars me dépasse alors qui court avec un speedo aux couleurs du drapeau américain et il tient un petit drapeau du même pays. Outre son speedo, il ne porte que ses souliers. La foule l'encourage bruyamment et il fait rire tout le monde. Ça me fait sourire et j'essaie de courir avec lui pour changer le mal de place. Il semble malheureusement en souffrance et il s'arrête pour marcher lorsqu'on entre à nouveau dans le beau parc du début.

Juste devant l'arche indiquant (enfin!) le 40ekm, je déroge à ma règle de base: ne jamais marcher lors d'un marathon, sauf aux stations d'aide si je n'ai pas le choix. Je m'arrête marcher 20 secondes en buvant en me disant que je n'arrête plus jusqu'à la ligne d'arrivée par la suite. Une bénévole médicale me regarde avec suspicion et me demande si ça va. Je lui dit oui et je repars. J'essaie d'accélérer légèrement pour terminer ce marathon et je réussis. Je suis super fier de moi lorsque j'aperçois la rangée de drapeaux menant à l'entrée du Stade. Je jette un oeil au-dessus de moi sur le drapeau des JO qui flotte et je fais mon entrée dans le Stade ouvert.

Vue du Stade Olympique à l'approche de l'arrivée


Dernière ligne droite avant d'entrer dans le Stade! Iamsterdam!

La fin du marathon est géniale, avec ce tour du Stade alors que celui-ci est plein. Je franchis la ligne d'arrivée en criant les bras dans les airs, aussi heureux que si j'avais terminé en moins de 3h. Mon chemin de croix s'est finalement terminé en 3h26, mon marathon le plus lent après mon premier à Boston. J'avais même fait mieux à Montréal il y a 3 ans avec 3 crampes à gérer!

Je reçois ma médaille et après avoir bu une de leurs bouteilles de jus d'orange McDo, je retrouve rapidement Julie qui marchait en direction de l'arrivée des marathoniens. Elle est évidemment super fière de moi pour l'avoir complété dans ces conditions et on attend que la pluie cesse un peu pour marcher en direction du métro. On s'arrête finalement bruncher en chemin dans un restaurant offrant un menu marathon (bagel à la crème et au saumon fumé...et gâteau au fromage...vraiment meilleur en Amérique qu'en Europe par contre!). Je porte fièrement ma médaille au cou et en portant Mathéo dans son porte-bébé par la suite, celui-ci me réchauffe jusqu'à notre retour à notre hôtel d'Amsterdam.



Conclusion et réflexion: Je ne suis pas encore prêt pour un marathon en moins de 3h. Après une pause, je vais m'entraîner à nouveau mais sur des vitesses pour 3h03. Un pas à la fois. Et je vais recommencer à courir avec ma ceinture de fréquence cardiaque car je pense que je dépense beaucoup plus d'énergie que je devrais parfois. Ça pourrait m'aider à mieux gérer mon effort pour éviter de revivre Ottawa ou Amsterdam. Et idéalement, si je cours à nouveau un marathon très loin de chez moi, j'essaierai de courir celui-ci au début du voyage et non à la fin de celui-ci pour être plus focus et davantage contrôler ce que je peux contrôler avant un marathon!

Mais en attendant, je vais franchir une grande étape à la course à pied cette semaine: courir avec Mathéo dans sa poussette adaptée pour la course. J'ai super hâte...j'espère qu'il a aussi hâte que moi!!!