jeudi 13 octobre 2016

Pu jamais!

Écouerré!

Je l'étais vraiment avant ce marathon d'Albany. Les longues sorties de plus de 2h qui monopolisaient une partie de mes temps libres en regardant constamment ma montre pour être certain que je courais à la vitesse prescrite, les retours de mon entraînement sur piste du mardi soir où j'avais de la difficulté à m'endormir tôt après avoir couru 26km au total avec 10km d'intervalles sur la piste, et les jeudis midis au Parc Jarry sur mes heures de lunch où je devais me botter les fesses pour faire d'autres intervalles, et tout recommencer semaine après semaine pendant deux mois. Tout en me coachant moi-même et en organisant mon horaire pour que l'impact sur ma famille soit négligeable.

Courir avec Mathéo est la façon la plus le fun d'ajouter des km sans regarder ma montre.

 
Après avoir passé deux ans à m'entraîner pour me qualifier pour le marathon de Boston en 3h10, j'ai passé les trois années suivantes à m'entraîner pour casser la barre du 3h. Et ajouter en cours de route l'objectif de me qualifier pour le marathon de New York en 2h57 pour mes 40 ans. Ça fait 13 marathons consécutifs à pousser le corps humain à l'entraînement et lors des marathons, deux fois par année depuis six ans maintenant. Ça devient un peu fatiguant physiquement et mentalement.

L'avantage de s'entraîner à la chaleur!


J'avais déjà commencé à mentionner à mes proches, surtout à Julie, que je ne pensais plus m'entraîner aussi fort pour mes prochains marathons, peu importe le résultat d'Albany. Raison de plus pour tout donner à Albany et c'est également la raison pour laquelle j'ai fait attention de ne pas aller dans mes réserves lors des entraînements et que je n'ai pas fait de course préparatoire, histoire de garder toute mon énergie pour une seule course.

J'arrive confiant et dans un bon état d'esprit à Albany, gracieuseté d'une semaine très relax d'entraînement, d'une journée au spa, de deux massages et de deux séances d'acupuncture. Et Mathéo m'a offert un grand coup de pouce en dormant en général 30 minutes de plus le matin le mois précédent le marathon.

Les guerriers sont prêts!


Sur la ligne de départ, mon plan de match est clair dans ma tête depuis quelques jours déjà: avec 10 degrés au départ et 13 degrés à mon arrivée prévue, c'est short et camisole, pas de bouteilles d'eau sur moi, un gel Rocktane aux 9km, des capsules de sel au cas seulement et une stratégie agressive avec un premier demi-marathon en 1h26-1h27 et le second en 1h30 pour 2h57.

J'estime que je devrais terminer dans les 40 premiers alors je prends position en conséquence sur la ligne de départ, à droite, parmi un peu plus de 1 000 coureurs.







Les premiers kilomètres vont super bien et je suis même plus rapide que prévu. Au 5e km, je constate que j'ai couru en 20 minutes et des poussières. Je commence déjà à me dire que je devrais ralentir légèrement car autrement je vais payer plus tard. Juste après le 5e km, on entre dans la forêt sur la piste cyclable (c'est très beau!) et je me détache de quelques coureurs pour suivre deux grands gars qui courent à 4 minutes le kilomètre. C'est très (trop) rapide car ça correspond à ma vitesse pour un demi-marathon mais comme ils me coupent le léger vent de face, je décide de les suivre. Je franchis finalement les 15 premiers km du marathon en 1h! Ça égale mon temps le plus rapide...mais sur un demi-marathon alors qu'il ne reste que 6km à courir, contre encore 27 pour moi! Je vais vraiment payer plus tard...mais j'accepte le risque et en même temps je suis mon plan de match.

On court sur une piste cyclable à compter du 5ekm.

Une des belles vues de la course, juste avant qu'on entre dans la forêt, avec de superbes vues sur la rivière Hudson.


Un des deux gars ralentit légèrement autour du 15ekm et après un instant d'hésitation, j'accélère sur quelques mètres pour rester collé derrière l'autre coureur. Peu de temps après, le coureur se tasse complètement à gauche et j'ai l'impression qu'il est tanné que je cours juste derrière lui. J'ai ma première conversation de la course:

Moi:
-Sorry, you're stronger than me and I cannot pace you. But I'll give you a beer after the race! What's your target?

Lui
-2:58 for New York City Marathon. You?

Moi:
-Same. Under 2:58 for NYC Marathon. What's your best marathon so far?

Lui:
-2:58, 3 years ago here. You?

Moi:
-3:00 last year in Toronto. All right, I'll go back to my music.

Évidemment, aucun de nous deux ne mentionne à l'autre qu'à ce rythme, c'est en 2h52 qu'on complètera le marathon...

Et on court côte à côte pendant les minutes suivantes, au même rythme. Je trouve ça ridicule qu'on ne travaille pas ensemble pour se couper le vent mais comme il est plus fort que moi aujourd'hui, je ne peux rien faire.

Finalement, un premier coureur nous rattrape et on s'accroche à lui avant qu'on me largue tranquillement quand on approche des côtes au 18ekm. J'avais prévu ma liste de musique en fonction de ces côtes et je termine exactement sur les dernières notes de Run to the hills de Iron Maiden en haut de la dernière côte! Je commence à être un peu fatigué à l'approche du demi-marathon et j'ai hâte aux ravitaillements car je trouve que c'est peu de ne boire qu'aux 3km. J'avais pris mon 2e gel au début des côtes et j'avais demandé à Julie de m'apporter une bouteille au cas où lors du passage du demi-marathon, à l'endroit où ils sont supposés nous encourager.

Je franchis la moitié du parcours en 1h26 et 15 secondes (moyenne de 4m04), et je sais que je n'ai pas du tout respecté la règle mentionnant que dans un marathon, la première moitié est pratiquement un réchauffement et qu'on ne devrait pas avoir l'impression de forcer! :-)

J'aperçois finalement Julie, Mathéo, Isabelle et Benjamin, et je fais signe à Julie que je vais prendre la bouteille. Au lieu de la boire, je décide de m'asperger de la moitié de la bouteille sur la tête et BANG, le résultat est plus puissant que les deux gels que j'ai déjà pris. Je devais commencer à surchauffer sans m'en rendre compte car même s'il fait 10 degrés, mes pulsations cardiaques sont assez élevés à environ 95% de ma fréquence cardiaque maximale depuis le début de ce marathon.

On se prépare pour encourager papa!

À mi-chemin, heureux de voir mes supporteurs!

Je me sens en grande forme à nouveau et à ma surprise, les 8 km suivants sont en descentes! J'avais couru ce marathon il y a trois ans mais j'avais cassé du 18e au 28e km et je n'avais qu'un vague souvenir du parcours. Ça me fait une belle surprise non-planifiée et je me retrouve à nouveau à courir autour de 4m05 le km. Mes jambes vont super bien et j'ai du fun à courir avec la fille qui occupe la 2e place et échanger quelques paroles avec elle, en plus de passer deux fois dans des tunnels et de crier comme un enfant! Je finis même par presque rattraper le gars du 2h58 (qui terminera finalement en 2h52...).





En sortant de la forêt et de la piste cyclable, au 28e km de la course (j'ai maintenant 3-4 minutes d'avance sur mes prévisions), on attaque le segment le plus laid du parcours, sur la route avec les voitures qui passent devant (et près) de nous, sur une route maganée. J'étais prêt psychologiquement et j'ai une marge de manoeuvre qui me permet de ne pas trop stresser si je cours un peu moins vite. Heureusement, car c'est au début de ce segment que le plus de coureurs me dépassent, incluant une fille qui vient de s'emparer de la 2e place. Je reste positif et dans le moment présent et je cours pas mal au rythme que j'avais prévu, autour de 4m15 le km.

On me dépasse...mais j'ai encore du fun!



Autour du 32ekm, on court sur le bord de la rivière Hudson pour le dernier segment. Je prends mon dernier gel et je sais que c'est ici que ça passe ou que ça casse. Je consulte ma montre et un calcul rapide me permet de constater que je pourrais courir ce marathon en 2h55 si je maintiens le rythme...et qu'au pire, même à près de 4m45 le km je pourrais terminer en moins de 3h. Rassurant. J'ai tellement couru les jambes détruites à 4m15 le km à la fin d'une longue sortie intense que ça ne devrait pas être trop difficile. 



Physiquement, je n'ai aucune douleur. J'ai fait du renforcement musculaire (une première à vie!), surtout pour mes hanches, quelques fois par semaine au cours des trois derniers mois pour éviter les douleurs vécues à Toronto l'an dernier. Le corps est donc prêt et tient bien le coup...mais la tête m'abandonne. Je ne pensais jamais avoir de la difficulté à me motiver la fin de de ce marathon, surtout en étant dans mes objectifs de temps, mais c'est étrangement ce qui m'arrive.

Les kilomètres suivants ne sont pas très beaux dans ma tête. J'essaie de me parler, de penser à tous mes entraînements faits pour en arriver ici, à mes objectifs à portée de main, aux gens qui m'ont beaucoup encouragé, à mes proches, mais ça fonctionne très peu. Je sais que je peux encore réussir à courir en 2h57 mais il faudrait que j'accélère un peu. Le mieux que je trouve est de me motiver à allez rattraper un coureur à la fois parmi les derniers du demi-marathon qui vont compléter celui-ci en 3h (ils sont partis en même temps que nous mais à mi-chemin). Je me fais également rattraper par 1 ou 2 coureurs du marathon et j'en rattrape 1 ou 2 autres en chemin.

J'arrive à un stade, avec encore 6-7 km à faire, où je me fous totalement du temps final que je ferai: la voix du petit diable l'a emportée sur celle de l'ange. Je veux seulement finir ce marathon et je trouve que ça ne veut rien dire de le courir en plus de 3h ou en moins de 3h. Je suis écouerré de pousser autant mon corps dans les entraînements et lors des marathons depuis quelques années en regardant toujours ma montre pour essayer d'aller plus vite.

Au 40ekm, je me dis que je vais quand même sprinter (ou accélérer un peu au moins!) mais mon corps ne veut pas répondre. Merde! J'avais au moins imaginer que peu importe le temps final, j'allais être capable de pousser un peu à la toute fin, ce que je réussis normalement à faire. 500 mètres plus loin, je commence à apercevoir (enfin!) quelques spectateurs et je devine au loin la ligne d'arrivée. Ça prend ça à mes jambes (ou ma tête?) pour enfin réussir à accélérer! Je regarde ma montre et je réalise à ma grande surprise que le 2h57 est peut-être encore possible mais ce sera hyper serré. Je ne fais que courir le plus vite que je peux en laissant de côté ma montre, surtout que la distance d'un marathon n'est jamais exactement la même d'un parcours à l'autre. Je n'ai encore pas mal physiquement mais c'est quand même super difficile. Quand ma liste de musique se termine avec mon classique Bro Hymn de Pennywise, je donne vraiment tout ce qu'il me reste. Je sais que j'ai moins d'une minute restante pour terminer ce marathon en 2h57 (liste de musique de 2h57 01 seconde!) et ma montre indique effectivement 2h57 de course!

Au moment exact où je vois pour la première fois la ligne d'arrivée et le chrono qui indique 2h57 et une vingtaine de secondes, avec environ 100 mètres à faire, j'aperçois Julie, pratiquement en plein milieu du parcours qui me regarde et qui hurle: Go Phil, pousse, tu vas l'avoir!!! C'est à ce moment précis que je comprends que je vais réussir ma qualification pour le plus gros marathon au monde, celui de New York, qui demande un temps de 18 minutes plus rapide que celui de Boston pour mon groupe d'âge!



Objectif atteint!



No pain, no gain.

Je franchis la ligne d'arrivée, vidé. Fier de moi mais pas émotif comme je l'aurais cru. Je suis vraiment écouerré en fait. J'ai eu du plaisir une grande partie du marathon et je suis très heureux de la conclusion (surtout quelques jours plus tard) mais sur le coup, ce n'est pas la fierté qui dominait.

Pu jamais!

Ce furent mes premières paroles lorsque j'ai vu Julie quelques instants après mon arrivée.

Dégustation de gâteaux au fromage du Cheesecake Factory!


Quelques jours plus tard, mon verdict n'a pas changé: je n'ai AUCUNE intention d'aller battre mon record de 2h57 dans un prochain marathon. Je ferai celui de New York pour profiter à fond de l'expérience, bien entraîné mais sans pression. Est-ce que j'aimerais courir des marathons prestigieux? Oui. En moins de 3h? Peut-être. Je sais en tout cas que je n'ai plus envie de choisir mes marathons presque uniquement en fonction de leur rapidité. Ça fait des années que je souhaite courir celui de Québec, par exemple, qui n'est pas un marathon rapide. Et qui sait si je ne referai pas celui de Montréal, si la 2e partie du parcours est modifiée...:-)



Tout ça pour cette médaille? se demande Mathéo











lundi 21 mars 2016

Sortir de sa zone de confort

Sortir de sa zone de confort.

Voilà qui résume bien mon approche pour le marathon de Toronto.

Le contexte:

Il y a 2 ans, 2 mois après avoir terminé le Ironman de Mont-Tremblant, j'étais sur la ligne de départ du marathon d'Albany. Je me souviens que j'étais un peu fatigué et que j'avais dit à ma blonde que je ne sentais pas que ce serait une bonne journée. Finalement, je n'avais pas eu une très bonne gestion de ma course mais j'avais tout de même réussi à battre mon record personnel et courir un premier marathon sous la barre des 3h05.

Au cours des marathons suivants, malgré un gros focus sur la course à pied au détriment du triathlon, je n'ai jamais été en mesure de battre ce temps, encore moins de réussir à casser la barre du 3h, ce qui est mon plus grand objectif.

J'avais donc décidé cette année de répéter la même formule qu'en 2013, avec des entraînements courts mais intenses pour mon marathon d'automne et avec un peu plus de repos juste avant ce marathon.J'ai rencontré Vincent au Ironman de Mont-Tremblant et il est embarqué dans mon plan pour également enchaîner avec le marathon de Toronto. Celui-ci court plus vite que moi mais nous avons quand même convenu d'aller s'entraîner 1x par semaine au Parc Maisonneuve sur l'heure du lunch et j'adapterais mes vitesses en fonction de mon objectif (2h59).

Quel choc pour le corps! À mon retour à l'entraînement après un repos de 2 semaines post-Ironman, j'ai enchaîné 3 entraînements par intervalles à des pace pour des courses de 5km! Au cours des 3 semaines suivantes, j'ai souvent regardé l'entraînement en me disant que j'allais l'adapter pour le rendre un peu plus facile mais ensuite je me disais que je devais sortir de ma zone de confort et suivre le plan de match. Les entraînements à des pace 10km pour un total de 15km sur l'heure du lunch sont devenus monnaie courante et lorsqu'on enchaînait avec des pace 21km, j'avais au moins l'impression de me balader!

J'ai donc enchaîné les 3 semaines suivantes avec 2 gros entraînements d'intervalles pendant la semaine et une plus longue sortie progressive un vendredi sur deux lors de ma journée de congé.Je revenais de mes entraînements avec la voix en moins, sentant toujours que je n'aurais pas pu en faire plus. Pour être honnête, c'était vraiment à la limite. Je ne pense que c'est très bon pour le corps de faire ça souvent.

Parlant de fatigue, à 5 jours de mon test (le demi-marathon de Montréal, 1 mois avant Toronto), je n'étais même pas capable d'effectuer un entraînement facile à mon pace marathon pour 1k, 2k, et 3km. Cette fois, j'ai mis le plan de côté et j'ai écouté mon corps. Au cours des 4 journées suivantes, ma seule sortie de course à pied fut le vendredi matin pour aller reconduire Mathéo à la garderie et revenir à la maison, pour un total de 6km. Au demi-marathon de Montréal, à ma grande surprise, j'ai réussi à courir les 21,1km à 4m04s le kilomètre pour 1h26 au total. Ça m'a donné beaucoup de confiance en moi et ça m'a aidé à continuer de m'entrainer fort pour un autre 10 jours avant le repos pré-marathon.

Une bière à 10h du matin avec mon ami Ben qui m'a inspiré à devenir un coureur.


Le week-end du marathon:

Le vendredi avant le marathon, je dois me faire à l'idée. Ma température idéale pour un marathon (13 degrés, même les études le prouvent!) qui est la température moyenne à Toronto à la mi-octobre, ne sera pas au rendez-vous. Ils prévoient 2 degrés pour Toronto au moment du départ, et 4 degrés à l'arrivée 3h plus tard. J'ai parfois couru mes marathons dans des température normales mais généralement j'ai couru dans la canicule. Je suis très content que ce ne soit pas le cas à Toronto mais de là à courir un marathon à 2 degrés!

J'exprime mes inquiétudes à Julie, comme quoi ce sera trop froid pour bien performer et que je ne pense pas que je pourrai réussir un marathon en moins de 3h à cette température. Julie me brasse un peu en me disant d'arrêter de chercher des défaites car généralement je trouve qu'il fait trop chaud et là je trouve qu'il fait trop froid. Vincent utilise la même technique lorsque je lui dit que je n'ai jamais été capable d'être fort du début à la fin sur un marathon, que ma vitesse ralentit toujours. Il me rappelle que je n'ai jamais non plus couru un marathon en moins de 3h. OK, je ne souhaite pas être celui qui se trouve toujours des défaites, encore moins avant une compétition. Je promets à Julie que j'irai quitte ou double et que je ne courrai pas uniquement pour réussir mon meilleur temps mais plutôt pour courir sous les 3h. Je vais au moins essayer (comme le chante Radiohead, the best you can is good enough).

Je quitte Montréal samedi matin pour aller prendre le train vers Toronto...alors qu'il neige! Ce sera également mon premier marathon sans Julie (ni Mathéo) comme Julie est en formation ce week-end là pendant que sa mère garde Mathéo à la maison. Je retrouve Vincent et quelques autres Chickens dans le train et je savoure les 5h à relaxer pendant le trajet.






Arrivés à Toronto sous un beau soleil, on va rapidement récupérer nos dossards à l'expo-marathon et on retrouve les autres Chickens pour un souper en ville. C'est à mon tour de motiver 2 autres coureurs qui doutent soudainement de leurs objectifs pour le lendemain.





Je rentre à mon hôtel tout près de la ligne du départ/arrivée du marathon et j'en profite pour voir un peu Toronto, pour ce séjour éclair de 24h 18 ans après ma dernière visite de la ville! Je retrouve mon hôtel à 55$ la nuit (...) et je suis surpris que ce soit plutôt bien finalement! Je prépare tranquillement mes trucs pour le lendemain tout en écoutant la fin du match des Canadiens à la télévision.





Le jour de la course:

Habitué de me lever tôt avec un bébé, je me surprend à me lever encore plus tôt que d'habitude, vers 5h30. Je suis reposé, en forme...et je me sens d'attaque! J'ai tout mon temps pour me préparer avec un départ tardif à 8h45 et je vais retrouver Sannie et les filles juste avant le départ. En effectuant mes accélérations, je suis surpris d'être très confortable malgré les 2 degrés. Je décide de ne pas porter de petits gants ni de cache-cou léger. J'ai mes shorts habituels de marathon et mes bas de compression, un gilet technique à manche longue, une légère veste coupe-vent, ma casquette et ma montre. Étant donné la température et comme j'ai appris récemment à boire moins en entraînement, je vais courir sans ma ceinture d'hydratation. Je porte donc ma ceinture de triathlon avec mon dossard dessus et mes 5 gels.

Le coq et les poulettes juste avant le départ!

Je jogge jusqu'au départ et je réalise que ma ceinture d'hydratation, avec le poids des gels, bouge un peu trop. J'essaie de l'ajuster mais rien à faire. J'essaie de rester positif en me disant que je dois vivre avec cette décision et je pense au gagnant du marathon de Berlin qui a couru avec une semelle qui sortait de son soulier.

En m'inscrivant à ce marathon, j'avais prévu courir le premier demi-marathon avec le lapin du 1h30 et ensuite essayer de conserver le même rythme. Récemment, j'ai décidé de plutôt y aller au feeling en prévoyant compléter le premier demi-marathon en 1h28 et m'accrocher juste assez pour réussir ce marathon en 2h59.

Dans tous les cas, je réalise que le lapin du 1h30 se retrouve derrière le lapin qui complètera le marathon en 3h15, ce qui ne fait aucun sens! Tant mieux, ça me confirme que je suis mieux de gérer moi-même ma course.

Le départ est donné et je me sens super bien pendant les premiers kilomètres. Je remarque que mes pulsations cardiaques sont élevées (170) mais je cours en écoutant mon corps et tout va bien. Je suis surpris de voir qu'on court parfois entre les rails de tramway et ça me rappelle le marathon d'Amsterdam. Après 5 kilomètres, mes pulsations sont revenues à la normale et on quitte le centre de la ville en passant près de la tour du CN et on se dirige vers le boulevard sur le bord du lac. Vincent court pas très loin devant moi. Soit qu'il a une mauvaise course ou soit que j'ai une excellente course!

Sur le boulevard près de l'eau, je réussis à courir derrière des coureurs pour me cacher du vent. Je suis chanceux car à 5 pieds 11, on dirait que je suis le plus petit coureur de mon groupe alors ça me protège encore davantage du vent!

On croise les élites qui reviennent du turn-aournd et c'est toujours un spectacle impressionnant de voir ces Kenyans ou Éthiopiens courir à 3 minutes le kilomètre avec une foulée parfaite et sans sembler forcer plus qu'il ne faut. De mon côté, j'approche du turn-around à 14km et sur mon iPod, c'est une chanson nouvelle sur ma liste qui joue et qui me fait sentir super bien (Chandelier de Sia). Je tape dans la main d'enfants au même moment et en constatant que j'ai franchi le tiers de la distance en 58 minutes. C'est à ce moment que je sens que je peux réussir ce marathon en moins de 3h.

Les kilomètres suivants se passent aussi bien et j'arrive rapidement à l'intersection où les demi-marathoniens prennent à gauche pour le dernier kilomètre. Vincent m'a prévenu que les 10 prochains kilomètres sont plus solitaires et difficiles. Effectivement, je me retrouve pas mal seul avec un bon vent de face mais je franchis les 21,1km tout juste en moins de 1h28. C'est un peu plus vite que prévu mais je me sens bien et je sens qu'il me reste encore beaucoup d'énergie. Et ma ceinture m'a seulement gênée à quelques occasions pour quelques secondes seulement et je réussis à l'oublier.

Pour les kilomètres suivants, on court dans un quartier industriel pas très joli et près d'autoroutes. Ma vitesse diminue un peu mais je demeure assez constant, en sentant cependant que je dois pousser un peu plus pour maintenir cette vitesse et je remonte les manches de mon gilet. J'essaie de courir derrière d'autres coureurs mais personne ne court à la même vitesse que moi alors je me résigne à poursuivre le marathon en solo.



Après un aller-retour autour du 25e km, on file en ligue droite longtemps et je croise à nouveau les meneurs ainsi que les 2 Canadiens qui tentent de se qualifier pour les Jeux Olympiques de Rio en 2016. Au 28e km, je passe sous les 2h mais je ressens un pincement à la cuisse droite. Le stress s'empare de moi comme ça ne m'est jamais arrivé depuis que je cours avec des bas de compression et je me dis que je dois boire un peu plus aux ravitaillements et m'assurer de continuer de prendre mes gels régulièrement. C'est à ce moment-là que je commence à douter que je puisse compléter ce marathon en moins de 3h mais je suis prêt à tout donner ce que j'ai, peu importe le résultat.

Les kilomètres suivants jusqu'à un autre turn-around au 35e km sont assez difficiles. Je réussis à garder mon rythme mais je dois augmenter mes pulsations cardiaques à 170 pour y arriver. J'y vais un kilomètre à la fois et j'ai hâte d'arriver au turn-around car je sais qu'ensuite ce sera une ligne droite jusqu'à la fin. J'atteins finalement le 35e km et tourne à 180 degrés pour les 7,2 derniers km. Je commence à être vraiment fatigué et manquer d'énergie et je sais que je ne pourrai atteindre mon objectif. J'ai toujours eu le plan B de courir le marathon en 3h et je passe mon temps à me dire de seulement garder le rythme et que j'y arriverai. J'ai des pensées parfois de prendre ça un peu plus relax en me disant que je pourrais y aller pour un record personnel de 3h02 ou 3h03. Je chasse heureusement rapidement ces pensées en me rappelant tous les entraînements difficiles que j'ai faits et que j'ai laissé Julie et Mathéo à Montréal pour ce marathon. Je n'ai pas envie de revenir sans avoir tout donné.

Ces 7,2 kilomètres sont vraiment difficiles. Je réussis à courir plus vite que lors de n'importe quelle autre fin de marathon mais je suis clairement sorti de ma zone de confort. J'espère uniquement que mon corps tiendra le coup jusqu'à la ligne d'arrivée comme je réussis à gérer plutôt bien mon esprit. À environ 2km de l'arrivée, on revient au centre-ville et j'essaie d'accélérer un peu mais je ne contrôle plus grand chose. Pour la première fois de ma vie, j'ai l'impression de ne pas être dans mon corps. Je cours comme un robot sur le pilote automatique. Je ne me sens réellement pas dans le moment présent et j'ai à 2-3 reprises l'envie de me donner une claque au visage pour me réveiller un peu. Après 2h59 de musique, ma liste de lecture se termine et je vois rapidement le chiffre de 3h s'inscrire sur ma montre. Je suis tout près de la ligne d'arrivée et lorsque j'aperçois le chronomètre qui vient de changer à 3h01, sachant que je ne suis pas parti le premier sur la ligne de départ, j'effectue une dernière accélération en espérant que mon temps final sera de 3h.

Technique horrible de course à pied pour les derniers mètres du marathon!


Vincent m'attend à la ligne d'arrivée, de super bonne humeur avec un objectif plus qu'atteint (2h53) et on jase également avec Pierre Lavoie qui est arrivé un peu avant Vincent. Je suis obligé de me tenir après Vincent tellement j'ai mal partout et que marcher est difficile. Mais je suis super heureux et très fier de moi. Je pense avoir réussi 3h mais au pire, j'ai vraiment tout donné et j'ai amélioré de beaucoup mon record qui datait de 2 ans, soit 3h04 et 56 secondes.

Je fais le signe de 3h...même si je ne connais pas encore mon temps final!


Je réussis lentement comme un escargot à me rendre à l'hôtel et avant de prendre ma douche, je regarde le site officiel pour connaître mon temps: 3h00 et 58 secondes!!! Je suis super heureux!!! J'aurais sincèrement été vraiment déçu d'avoir couru 2 secondes plus lentement!

Je réponds à quelques messages-textes de supporteurs du Québec et je retrouve Sannie pour un lunch rapide avant de retourner prendre le train de retour. L'hamburger est délicieux, tout comme la bière!

Dans le train du retour, l'ambiance est à la fête. J'aurais évidemment préféré courir sous les 3h mais je suis quand même hyper heureux. Je commençais à avoir des doutes sur mes capacités de courir un marathon en 3h et je sais maintenant que je peux réussir à courir en 2h59 avec les conditions idéales. Dans le pire des cas, je peux vivre avec un meilleur temps personnel de 3h sur un marathon! :-)

Quelques mois plus tard, j'ai décidé de tenter à nouveau ma chance au marathon d'Albany pour réussir mon marathon en 2h59. Mieux que ça, mon objectif sera de me qualifier pour le marathon de New-York en 2h57 pour mes 40 ans! Je vais également courir le marathon d'Ottawa mais sans grandes attentes. Le parcours d'Ottawa est plus difficile que celui de Toronto et il fait généralement beaucoup plus chaud que les 2 degrés de Toronto! À suivre...