lundi 21 mars 2016

Sortir de sa zone de confort

Sortir de sa zone de confort.

Voilà qui résume bien mon approche pour le marathon de Toronto.

Le contexte:

Il y a 2 ans, 2 mois après avoir terminé le Ironman de Mont-Tremblant, j'étais sur la ligne de départ du marathon d'Albany. Je me souviens que j'étais un peu fatigué et que j'avais dit à ma blonde que je ne sentais pas que ce serait une bonne journée. Finalement, je n'avais pas eu une très bonne gestion de ma course mais j'avais tout de même réussi à battre mon record personnel et courir un premier marathon sous la barre des 3h05.

Au cours des marathons suivants, malgré un gros focus sur la course à pied au détriment du triathlon, je n'ai jamais été en mesure de battre ce temps, encore moins de réussir à casser la barre du 3h, ce qui est mon plus grand objectif.

J'avais donc décidé cette année de répéter la même formule qu'en 2013, avec des entraînements courts mais intenses pour mon marathon d'automne et avec un peu plus de repos juste avant ce marathon.J'ai rencontré Vincent au Ironman de Mont-Tremblant et il est embarqué dans mon plan pour également enchaîner avec le marathon de Toronto. Celui-ci court plus vite que moi mais nous avons quand même convenu d'aller s'entraîner 1x par semaine au Parc Maisonneuve sur l'heure du lunch et j'adapterais mes vitesses en fonction de mon objectif (2h59).

Quel choc pour le corps! À mon retour à l'entraînement après un repos de 2 semaines post-Ironman, j'ai enchaîné 3 entraînements par intervalles à des pace pour des courses de 5km! Au cours des 3 semaines suivantes, j'ai souvent regardé l'entraînement en me disant que j'allais l'adapter pour le rendre un peu plus facile mais ensuite je me disais que je devais sortir de ma zone de confort et suivre le plan de match. Les entraînements à des pace 10km pour un total de 15km sur l'heure du lunch sont devenus monnaie courante et lorsqu'on enchaînait avec des pace 21km, j'avais au moins l'impression de me balader!

J'ai donc enchaîné les 3 semaines suivantes avec 2 gros entraînements d'intervalles pendant la semaine et une plus longue sortie progressive un vendredi sur deux lors de ma journée de congé.Je revenais de mes entraînements avec la voix en moins, sentant toujours que je n'aurais pas pu en faire plus. Pour être honnête, c'était vraiment à la limite. Je ne pense que c'est très bon pour le corps de faire ça souvent.

Parlant de fatigue, à 5 jours de mon test (le demi-marathon de Montréal, 1 mois avant Toronto), je n'étais même pas capable d'effectuer un entraînement facile à mon pace marathon pour 1k, 2k, et 3km. Cette fois, j'ai mis le plan de côté et j'ai écouté mon corps. Au cours des 4 journées suivantes, ma seule sortie de course à pied fut le vendredi matin pour aller reconduire Mathéo à la garderie et revenir à la maison, pour un total de 6km. Au demi-marathon de Montréal, à ma grande surprise, j'ai réussi à courir les 21,1km à 4m04s le kilomètre pour 1h26 au total. Ça m'a donné beaucoup de confiance en moi et ça m'a aidé à continuer de m'entrainer fort pour un autre 10 jours avant le repos pré-marathon.

Une bière à 10h du matin avec mon ami Ben qui m'a inspiré à devenir un coureur.


Le week-end du marathon:

Le vendredi avant le marathon, je dois me faire à l'idée. Ma température idéale pour un marathon (13 degrés, même les études le prouvent!) qui est la température moyenne à Toronto à la mi-octobre, ne sera pas au rendez-vous. Ils prévoient 2 degrés pour Toronto au moment du départ, et 4 degrés à l'arrivée 3h plus tard. J'ai parfois couru mes marathons dans des température normales mais généralement j'ai couru dans la canicule. Je suis très content que ce ne soit pas le cas à Toronto mais de là à courir un marathon à 2 degrés!

J'exprime mes inquiétudes à Julie, comme quoi ce sera trop froid pour bien performer et que je ne pense pas que je pourrai réussir un marathon en moins de 3h à cette température. Julie me brasse un peu en me disant d'arrêter de chercher des défaites car généralement je trouve qu'il fait trop chaud et là je trouve qu'il fait trop froid. Vincent utilise la même technique lorsque je lui dit que je n'ai jamais été capable d'être fort du début à la fin sur un marathon, que ma vitesse ralentit toujours. Il me rappelle que je n'ai jamais non plus couru un marathon en moins de 3h. OK, je ne souhaite pas être celui qui se trouve toujours des défaites, encore moins avant une compétition. Je promets à Julie que j'irai quitte ou double et que je ne courrai pas uniquement pour réussir mon meilleur temps mais plutôt pour courir sous les 3h. Je vais au moins essayer (comme le chante Radiohead, the best you can is good enough).

Je quitte Montréal samedi matin pour aller prendre le train vers Toronto...alors qu'il neige! Ce sera également mon premier marathon sans Julie (ni Mathéo) comme Julie est en formation ce week-end là pendant que sa mère garde Mathéo à la maison. Je retrouve Vincent et quelques autres Chickens dans le train et je savoure les 5h à relaxer pendant le trajet.






Arrivés à Toronto sous un beau soleil, on va rapidement récupérer nos dossards à l'expo-marathon et on retrouve les autres Chickens pour un souper en ville. C'est à mon tour de motiver 2 autres coureurs qui doutent soudainement de leurs objectifs pour le lendemain.





Je rentre à mon hôtel tout près de la ligne du départ/arrivée du marathon et j'en profite pour voir un peu Toronto, pour ce séjour éclair de 24h 18 ans après ma dernière visite de la ville! Je retrouve mon hôtel à 55$ la nuit (...) et je suis surpris que ce soit plutôt bien finalement! Je prépare tranquillement mes trucs pour le lendemain tout en écoutant la fin du match des Canadiens à la télévision.





Le jour de la course:

Habitué de me lever tôt avec un bébé, je me surprend à me lever encore plus tôt que d'habitude, vers 5h30. Je suis reposé, en forme...et je me sens d'attaque! J'ai tout mon temps pour me préparer avec un départ tardif à 8h45 et je vais retrouver Sannie et les filles juste avant le départ. En effectuant mes accélérations, je suis surpris d'être très confortable malgré les 2 degrés. Je décide de ne pas porter de petits gants ni de cache-cou léger. J'ai mes shorts habituels de marathon et mes bas de compression, un gilet technique à manche longue, une légère veste coupe-vent, ma casquette et ma montre. Étant donné la température et comme j'ai appris récemment à boire moins en entraînement, je vais courir sans ma ceinture d'hydratation. Je porte donc ma ceinture de triathlon avec mon dossard dessus et mes 5 gels.

Le coq et les poulettes juste avant le départ!

Je jogge jusqu'au départ et je réalise que ma ceinture d'hydratation, avec le poids des gels, bouge un peu trop. J'essaie de l'ajuster mais rien à faire. J'essaie de rester positif en me disant que je dois vivre avec cette décision et je pense au gagnant du marathon de Berlin qui a couru avec une semelle qui sortait de son soulier.

En m'inscrivant à ce marathon, j'avais prévu courir le premier demi-marathon avec le lapin du 1h30 et ensuite essayer de conserver le même rythme. Récemment, j'ai décidé de plutôt y aller au feeling en prévoyant compléter le premier demi-marathon en 1h28 et m'accrocher juste assez pour réussir ce marathon en 2h59.

Dans tous les cas, je réalise que le lapin du 1h30 se retrouve derrière le lapin qui complètera le marathon en 3h15, ce qui ne fait aucun sens! Tant mieux, ça me confirme que je suis mieux de gérer moi-même ma course.

Le départ est donné et je me sens super bien pendant les premiers kilomètres. Je remarque que mes pulsations cardiaques sont élevées (170) mais je cours en écoutant mon corps et tout va bien. Je suis surpris de voir qu'on court parfois entre les rails de tramway et ça me rappelle le marathon d'Amsterdam. Après 5 kilomètres, mes pulsations sont revenues à la normale et on quitte le centre de la ville en passant près de la tour du CN et on se dirige vers le boulevard sur le bord du lac. Vincent court pas très loin devant moi. Soit qu'il a une mauvaise course ou soit que j'ai une excellente course!

Sur le boulevard près de l'eau, je réussis à courir derrière des coureurs pour me cacher du vent. Je suis chanceux car à 5 pieds 11, on dirait que je suis le plus petit coureur de mon groupe alors ça me protège encore davantage du vent!

On croise les élites qui reviennent du turn-aournd et c'est toujours un spectacle impressionnant de voir ces Kenyans ou Éthiopiens courir à 3 minutes le kilomètre avec une foulée parfaite et sans sembler forcer plus qu'il ne faut. De mon côté, j'approche du turn-around à 14km et sur mon iPod, c'est une chanson nouvelle sur ma liste qui joue et qui me fait sentir super bien (Chandelier de Sia). Je tape dans la main d'enfants au même moment et en constatant que j'ai franchi le tiers de la distance en 58 minutes. C'est à ce moment que je sens que je peux réussir ce marathon en moins de 3h.

Les kilomètres suivants se passent aussi bien et j'arrive rapidement à l'intersection où les demi-marathoniens prennent à gauche pour le dernier kilomètre. Vincent m'a prévenu que les 10 prochains kilomètres sont plus solitaires et difficiles. Effectivement, je me retrouve pas mal seul avec un bon vent de face mais je franchis les 21,1km tout juste en moins de 1h28. C'est un peu plus vite que prévu mais je me sens bien et je sens qu'il me reste encore beaucoup d'énergie. Et ma ceinture m'a seulement gênée à quelques occasions pour quelques secondes seulement et je réussis à l'oublier.

Pour les kilomètres suivants, on court dans un quartier industriel pas très joli et près d'autoroutes. Ma vitesse diminue un peu mais je demeure assez constant, en sentant cependant que je dois pousser un peu plus pour maintenir cette vitesse et je remonte les manches de mon gilet. J'essaie de courir derrière d'autres coureurs mais personne ne court à la même vitesse que moi alors je me résigne à poursuivre le marathon en solo.



Après un aller-retour autour du 25e km, on file en ligue droite longtemps et je croise à nouveau les meneurs ainsi que les 2 Canadiens qui tentent de se qualifier pour les Jeux Olympiques de Rio en 2016. Au 28e km, je passe sous les 2h mais je ressens un pincement à la cuisse droite. Le stress s'empare de moi comme ça ne m'est jamais arrivé depuis que je cours avec des bas de compression et je me dis que je dois boire un peu plus aux ravitaillements et m'assurer de continuer de prendre mes gels régulièrement. C'est à ce moment-là que je commence à douter que je puisse compléter ce marathon en moins de 3h mais je suis prêt à tout donner ce que j'ai, peu importe le résultat.

Les kilomètres suivants jusqu'à un autre turn-around au 35e km sont assez difficiles. Je réussis à garder mon rythme mais je dois augmenter mes pulsations cardiaques à 170 pour y arriver. J'y vais un kilomètre à la fois et j'ai hâte d'arriver au turn-around car je sais qu'ensuite ce sera une ligne droite jusqu'à la fin. J'atteins finalement le 35e km et tourne à 180 degrés pour les 7,2 derniers km. Je commence à être vraiment fatigué et manquer d'énergie et je sais que je ne pourrai atteindre mon objectif. J'ai toujours eu le plan B de courir le marathon en 3h et je passe mon temps à me dire de seulement garder le rythme et que j'y arriverai. J'ai des pensées parfois de prendre ça un peu plus relax en me disant que je pourrais y aller pour un record personnel de 3h02 ou 3h03. Je chasse heureusement rapidement ces pensées en me rappelant tous les entraînements difficiles que j'ai faits et que j'ai laissé Julie et Mathéo à Montréal pour ce marathon. Je n'ai pas envie de revenir sans avoir tout donné.

Ces 7,2 kilomètres sont vraiment difficiles. Je réussis à courir plus vite que lors de n'importe quelle autre fin de marathon mais je suis clairement sorti de ma zone de confort. J'espère uniquement que mon corps tiendra le coup jusqu'à la ligne d'arrivée comme je réussis à gérer plutôt bien mon esprit. À environ 2km de l'arrivée, on revient au centre-ville et j'essaie d'accélérer un peu mais je ne contrôle plus grand chose. Pour la première fois de ma vie, j'ai l'impression de ne pas être dans mon corps. Je cours comme un robot sur le pilote automatique. Je ne me sens réellement pas dans le moment présent et j'ai à 2-3 reprises l'envie de me donner une claque au visage pour me réveiller un peu. Après 2h59 de musique, ma liste de lecture se termine et je vois rapidement le chiffre de 3h s'inscrire sur ma montre. Je suis tout près de la ligne d'arrivée et lorsque j'aperçois le chronomètre qui vient de changer à 3h01, sachant que je ne suis pas parti le premier sur la ligne de départ, j'effectue une dernière accélération en espérant que mon temps final sera de 3h.

Technique horrible de course à pied pour les derniers mètres du marathon!


Vincent m'attend à la ligne d'arrivée, de super bonne humeur avec un objectif plus qu'atteint (2h53) et on jase également avec Pierre Lavoie qui est arrivé un peu avant Vincent. Je suis obligé de me tenir après Vincent tellement j'ai mal partout et que marcher est difficile. Mais je suis super heureux et très fier de moi. Je pense avoir réussi 3h mais au pire, j'ai vraiment tout donné et j'ai amélioré de beaucoup mon record qui datait de 2 ans, soit 3h04 et 56 secondes.

Je fais le signe de 3h...même si je ne connais pas encore mon temps final!


Je réussis lentement comme un escargot à me rendre à l'hôtel et avant de prendre ma douche, je regarde le site officiel pour connaître mon temps: 3h00 et 58 secondes!!! Je suis super heureux!!! J'aurais sincèrement été vraiment déçu d'avoir couru 2 secondes plus lentement!

Je réponds à quelques messages-textes de supporteurs du Québec et je retrouve Sannie pour un lunch rapide avant de retourner prendre le train de retour. L'hamburger est délicieux, tout comme la bière!

Dans le train du retour, l'ambiance est à la fête. J'aurais évidemment préféré courir sous les 3h mais je suis quand même hyper heureux. Je commençais à avoir des doutes sur mes capacités de courir un marathon en 3h et je sais maintenant que je peux réussir à courir en 2h59 avec les conditions idéales. Dans le pire des cas, je peux vivre avec un meilleur temps personnel de 3h sur un marathon! :-)

Quelques mois plus tard, j'ai décidé de tenter à nouveau ma chance au marathon d'Albany pour réussir mon marathon en 2h59. Mieux que ça, mon objectif sera de me qualifier pour le marathon de New-York en 2h57 pour mes 40 ans! Je vais également courir le marathon d'Ottawa mais sans grandes attentes. Le parcours d'Ottawa est plus difficile que celui de Toronto et il fait généralement beaucoup plus chaud que les 2 degrés de Toronto! À suivre...




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