lundi 27 octobre 2014

Marathon d'Amsterdam: Contrôler ce que je peux contrôler

18 octobre 2014, 20h30.

Nous venons enfin de rentrer à notre hôtel à Amsterdam après avoir attendu trop longtemps nos repas take out qui ne devaient prendre que 15 minutes à préparer. Ça fait qq heures que je suis un peu étourdi sans savoir si c'est la faim ou la fatigue (probablement les deux). On ouvre finalement nos sacs contenant nos soupers et je ne peux m'empêcher de lâcher un sacre en voyant la grosseur de ma portion de lasagne la veille du marathon. Heureusement que Julie avait commandé un surplus de riz avec son plat Indien. Je dévore mon entrée de lasagne, mange une partie de son riz et me dit que ça devrait faire l'affaire car il est près de 22h et que je dois préparer mes trucs pour le lendemain avant d'aller me coucher.

Nous avons quitté Liège en Belgique le matin même à 11h30 pour l'habituelle tournée des transports, heureusement avec Mathéo qui fut un excellent voyageur tout au long du voyage, particulièrement dans les transports. 10 minutes de train pour changer de gare à Liège, 1h pour se rendre à Bruxelles, attente de 90 minutes à l'aéroport de Bruxelles pour manger un sandwich, enregistrer les bagages et passer les contrôles, arrivée à Amsterdam à 17h, attente des bagages, autobus de 15 minutes pour s'arrêter rapidement à l'expo-marathon récupérer mon dossard et chandail offert, tramway complètement bondé pour se rendre au centre-ville d'Amsterdam en 20 minutes et 20 minutes de recherche de notre hôtel à pied avec Mathéo et tous nos bagages pour arriver à l'hôtel à 18h30.

J'ai toujours adoré visiter les expo-marathon mais avec Julie et Mathéo qui m'attendent, ce fut surtout l'occasion d'un léger réchauffement à la course à pied pour faire ça le plus vite possible. J'ai quand même pris quelques photos pour montrer l'ambiance: un DJ qui anime et un superhéro géant rappelant le thème du marathon cette année. L'ambiance est à la fête sur place mais c'est demain que la fête aura lieu de mon côté. J'ai au moins le temps d'apercevoir le fameux Stade Olympique où aura lieu le départ et l'arrivée du marathon. Il s'agit du Stade utilisé pour les JO de 1932, premiers Jeux où les femmes ont d'ailleurs pu courir le marathon et première fois que la fameuse flamme Olympique fut allumée.







Julie est super excitée pour moi et me demande comment je me sens à la veille du marathon. J'ai très hâte d'aller courir, de découvrir ce beau parcours, mais je ne me sens pas très compétitif, surtout après une semaine de vacances en Europe. Je sais également que la différence est grande entre un marathon en 3h04 (mon plus rapide à présent) et un marathon en 2h59 et que je devrai être prêt à souffrir.

Malgré tout, je me suis bien entraîné les 2 mois avant ce voyage et j'ai quand même 4 plans pour ce marathon:

Plan A: Moins de 3h
Plan B: Record personnel
Plan C: Qualification pour Boston en moins de 3h10
Plan D: Le terminer!

La météo annoncée est de 18 degrés au lieu des 13 degrés habituels et ils ont même émis un avertissement de chaleur! Ça fait beaucoup rigoler les Nord-Américains habitués à courir des marathons à des températures plus élevés! Les vents annoncés sont de 40km/h, ce qui sera une première pour moi.

Sans être des conditions dramatiques, pour ces raisons, j'oublie déjà mon plan A et je pense que le plan B peut être réaliste mais je sais qu'au fond de moi, l'important est que je le termine, sauf en cas de blessure. Je n'aurais jamais pensé dire ça mais depuis mon abandon du marathon d'Ottawa, ça m'est resté en tête et je ne veux plus vivre ça. Ça semble ce qu'il y a de plus facile à faire d'abandonner quand tout va mal mais c'est bien pire mentalement par la suite et ça reste en nous. Je ne veux pas revivre ça.

Je dors bien pour une veille de marathon, encore une fois avec la contribution de Mathéo qui fait sa nuit. Je me réveille en avance et comme je m'enligne pour avoir 1h à attendre mon départ au Stade, j'accepte finalement l'offre de Julie qu'elle m'accompagne avec Mathéo pour me voir dès le départ. Je m'occupe de Mathéo pendant que Julie se prépare, mais un bébé étant un bébé, on sort de notre hôtel 15 minutes plus tard que prévu, à 8h45. Le départ du marathon est à 9h30 et on doit marcher 5 minutes vers la gare de train et c'est ensuite 20 minutes de métro. Je vois un taxi devant notre hôtel et j'ai une envie de le prendre mais je me dis qu'on sera OK.

On arrive à la gare de train et on perd 15 minutes avec la machine automatique pour acheter des titres de transport. Je souhaitais me procurer les billets la veille mais j'étais finalement trop fatigué pour m'occuper de ça. Je commence à stresser pas mal lorsqu'on embarque finalement dans le métro à 9h...

Pas le choix, je devrai franchir les 1,5km entre la station de métro et le Stade en réchauffement pour le marathon...sauf qu'il est 9h20 lorsque je sors du métro...ça fait un réchauffement pas si mollo que ça, en plus que je dois demander mon chemin. J'embrasse Julie et Mathéo et on se confirme les points de rendez-vous.

Toujours dans le métro à 9h20...le départ du marathon est à 9h30...


J'arrive finalement au Stade juste avant 9h30 pour réaliser que l'entrée vers le Stade est super étroite et que je ne peux dépasser les autres coureurs pour aller rejoindre ma vague de départ, pour les gens qui visent à le faire en 3h. Dans ma tête, c'est la panique. J'aurais envie de pleurer. Je ne peux croire que je traverse l'Atlantique pour faire un marathon et que je manquerai mon départ de 2 minutes. J'entends sans le voir le départ des pro et de ma vague. Je dois me parler, travailler mon mental et me rappeler mon mantra pour ce marathon: contrôler ce que je peux contrôler. Je me convainc que ce n'est pas grave, que mon plan de suivre le lapin de 3h compte tenu de la météo m'aurait peut-être brûlé. J'arrive finalement sur la piste où part le marathon et je vois un corridor libre qui semble être celui des coureurs de ma vague qui sont déjà partis. Je crie aux bénévoles 3h marathon et ils me regardent en voulant dire :Whatever, ta vague est déjà partie mais va y.

Vue de l'intérieur du Stade Olympique la veille du marathon


C'est finalement un départ. Je me force à crier un peu et lever les bras dans les airs pour prendre une attitude positive. Je fais un demi-tour de piste et on sort du Stade au son de musique techno super forte.

Je cours complètement à droite pour essayer de rejoindre des coureurs qui courent à ma vitesse. Sauf que les rues sont vraiment étroites sur les 2 premiers km du parcours avec 16 000 marathoniens et on doit en plus faire attention au sol car c'est une voie empruntée par les tramways et il y a beaucoup de rails par terre. En arrivant dans le plus grand et plus beau parc d'Amsterdam (Vondelpark), je sens que j'ai rejoint des coureurs de ma vitesse et que je peux être plus constat.
L'entrée du Vondelpark où nous passons après 2km


À ma surprise, lorsque j'arrive au 5ekm, j'y suis exactement dans mes temps prévus. Je sens par contre que j'ai dépensé plus d'énergie que prévu avec mes nombreuses accélérations et je ressens déjà le soleil et les 18 degrés. Les stations d'aide sont situées à tous les 5km et je m'asperge déjà d'eau sur la tête et sur le corps. Les bénévoles semblent surpris, ça semble moins populaire comme moyen de ne pas surchauffer en Europe qu'en Amérique.

Au 7ekm, pas le choix, j'ai déjà besoin de prendre un gel. Je me dis que la journée sera longue car je n'ai jamais pris de gel si tôt dans un marathon. De toute façon, avec l'espèce de jus d'orange à la McDonald qu'ils donnent comme boisson sportive, sûrement sans électrolyte, je dois encore plus que d'habitude prendre mes gels et mes capsules de sel.

Enfin, je continue quand même à courir autour de 4m15-4m20 le km et le gel me donne un peu d'énergie. On franchit ensuite un des points marquants du marathon en passant à travers le splendide bâtiment abritant le musée le plus populaire d'Amsterdam (Rijksmuseum). Je croise Julie et Mathéo qui m'encouragent et je leur fais un beau sourire en pointant ma montre pour signifier que je suis sur mes temps de passage.

Un des symboles du marathon d'Amsterdam: courir sous le Rijksmuseum


La foule est très nombreuse à nous encourager mais elle est silencieuse, criant seulement pour les coureurs qu'elle connaît. J'essaie de les réveiller un peu en leur faisant signe qu'on ne les entend pas mais j'obtiens un résultat mitigé. On cours toujours dans les rues d'Amsterdam et l'architecture est superbe et dépaysante. Dans une courte section aller-retour, je croise le groupe de tête, une quinzaine d'Africains, suivi un peu plus loin de la personne qui devait être mon guide touristique pour la journée, le lapin du 3h qui court avec des ballons blancs inscrits 3h dessus. Plusieurs coureurs sont avec lui et je suis surpris qu'ils sont seulement 1-2 minutes devant moi. J'en suis heureux mais je décide de conserver le même rythme et de ne pas tenter de les rejoindre. Tant mieux si c'est le cas mais je ne veux pas me brûler davantage et je me doute que je n'ai pas la journée pour réussir un marathon en 3h aujourd'hui.

Au 10ekm, on sort de la ville pour longer une rivière pour les 20 prochains km qui nous amènent dans la campagne d'Amsterdam. Ça ressemble un peu au marathon d'Ottawa autour du Canal Rideau mais c'est la vraie campagne autour avec des champs verts et de superbes maisons de campagne. Des bateaux de l'organisation circulent sur la rivière avec des DJ qui font jouer de la musique techno super forte. Vraiment sympathique. Ce qui est moins sympathique, c'est le puissant vent de face de 40km/h. J'essaie de courir avec d'autres coureurs et de conserver la même vitesse mais après seulement 10km dans le marathon, c'est mauvais signe de devoir forcer autant. Je m'encourage en sachant qu'en revenant de l'autre côté j'aurai le vent de dos pour les 10km suivants.

J'arrive au turn-around près de la marque du 20km et je suis heureux de constater que j'ai à peine ralenti ma vitesse, mais je me sens fatigué. Je prends un deuxième gel et je constate que je ne sens pas le vent de dos que j'espérais, et que le gel ne fait pas une grande différence. Merde. Je sais à ce moment que c'est terminé pour moi aujourd'hui, que j'aurai couru les 20 premiers km mais que je devrai me contenter de survivre pour les 22 prochains. Je ne suis pas particulièrement surpris ni déçu. Je me dis que je vais y aller pour le plan C, une qualif pour Boston en moins de 3h10 et que j'en profiterai pour observer davantage le paysage et profiter de la chance que j'ai de courir ce marathon.

On franchit d'ailleurs la marque du demi-marathon tout près d'un fameux moulin à vent de la Hollande et je suis à 1h33 de course. Mais tranquillement, ma vitesse diminue, passant autour de 4m30 le kilomètre vers 4m45 au cours des kilomètres suivants.

Au ravitaillement du 25ekm, je commence à me sentir étourdi (fatigue et manque de nourriture je pense) et pour la première fois je marche environ 1 minute à la station d'aide en buvant et en m'aspergeant d'eau. Le soleil nous a quitté après 10km et c'est maintenant nuageux mais j'ai quand même très chaud.

La petite pause me fait du bien et le plus beau moment de mon marathon approche alors que Julie et Mathéo m'attendent autour du 26ekm. Je ralentis pour m'arrêter à la hauteur de Julie et je sens dans son regard qu'elle a peur que je lui mentionne que je vais abandonner. Je lui dis plutôt que je n'ai aucune énergie et que c'est tough mais que je vais le terminer, probablement autour de 3h10. Je l'embrasse et embrasse Mathéo qui est bien réveillé et je poursuis ma route avec un regard derrière moi en leur direction. Je sens une vague d'émotion m'envahir. Faut vraiment aimer quelqu'un pour se déplacer en métro sur le parcours avec un bébé de 3 mois pour l'encourager et le voir seulement qq secondes.

Mon petit bonheur sera de courte durée. On est maintenant dans la partie laide du marathon, une zone industrielle, et je cours sur le pilote automatique autour de 5 minutes du km maintenant. Je me fais énormément dépasser et je suis vraiment étourdi. Je réalise que ne réussirai jamais à compléter le marathon en 3h10 et que ce sera plutôt autour de 3h20-3h30. Je décide de ne pas trop m'en faire, de ne pas trop consulter ma montre et d'y aller un km à la fois et de marcher un peu aux stations d'aide. Je commence à remercier les bénévoles et je me surprend même à chanter un peu pendant que Cum on feel the noize joue sur mon iPod (essayez de résister à cette chanson en courant!).

Autour du 30ekm, la pluie débute. Re-merde. Je cours maintenant autour de 5m30 le kilomètre et j'ai presque froid. Je pense également à Julie avec Mathéo qui m'attendra plus longtemps que prévu sous la pluie. J'essaie d'aller plus vite mais je n'ai aucune énergie. Je cours maintenant plus lentement que lors de mes marathons à la fin de mes Ironman! Je ne comprends pas car je m'étais bien entraîné pour ce marathon mais visiblement l'absence de carb load efficace (manger beaucoup de glucides, des pâtes entre autres, les jours précédent le marathon...normalement je mange comme un ogre la veille d'un marathon) et probablement mes accélérations au début du marathon m'ont fait mal.

J'aurais TELLEMENT envie d'abandonner mais je me suis juré que ça n'arriverait pas, à moins d'une blessure. Les km passent tellement lentement mais heureusement, autour du 35ekm, on arrive dans la ville à nouveau et je peux profiter de l'architecture. Des supporteurs commencent également à m'encourager en criant mon nom inscrit sur mon dossard...je présume que je dois avoir l'air d'un gars qui en a besoin!

Un gars me dépasse alors qui court avec un speedo aux couleurs du drapeau américain et il tient un petit drapeau du même pays. Outre son speedo, il ne porte que ses souliers. La foule l'encourage bruyamment et il fait rire tout le monde. Ça me fait sourire et j'essaie de courir avec lui pour changer le mal de place. Il semble malheureusement en souffrance et il s'arrête pour marcher lorsqu'on entre à nouveau dans le beau parc du début.

Juste devant l'arche indiquant (enfin!) le 40ekm, je déroge à ma règle de base: ne jamais marcher lors d'un marathon, sauf aux stations d'aide si je n'ai pas le choix. Je m'arrête marcher 20 secondes en buvant en me disant que je n'arrête plus jusqu'à la ligne d'arrivée par la suite. Une bénévole médicale me regarde avec suspicion et me demande si ça va. Je lui dit oui et je repars. J'essaie d'accélérer légèrement pour terminer ce marathon et je réussis. Je suis super fier de moi lorsque j'aperçois la rangée de drapeaux menant à l'entrée du Stade. Je jette un oeil au-dessus de moi sur le drapeau des JO qui flotte et je fais mon entrée dans le Stade ouvert.

Vue du Stade Olympique à l'approche de l'arrivée


Dernière ligne droite avant d'entrer dans le Stade! Iamsterdam!

La fin du marathon est géniale, avec ce tour du Stade alors que celui-ci est plein. Je franchis la ligne d'arrivée en criant les bras dans les airs, aussi heureux que si j'avais terminé en moins de 3h. Mon chemin de croix s'est finalement terminé en 3h26, mon marathon le plus lent après mon premier à Boston. J'avais même fait mieux à Montréal il y a 3 ans avec 3 crampes à gérer!

Je reçois ma médaille et après avoir bu une de leurs bouteilles de jus d'orange McDo, je retrouve rapidement Julie qui marchait en direction de l'arrivée des marathoniens. Elle est évidemment super fière de moi pour l'avoir complété dans ces conditions et on attend que la pluie cesse un peu pour marcher en direction du métro. On s'arrête finalement bruncher en chemin dans un restaurant offrant un menu marathon (bagel à la crème et au saumon fumé...et gâteau au fromage...vraiment meilleur en Amérique qu'en Europe par contre!). Je porte fièrement ma médaille au cou et en portant Mathéo dans son porte-bébé par la suite, celui-ci me réchauffe jusqu'à notre retour à notre hôtel d'Amsterdam.



Conclusion et réflexion: Je ne suis pas encore prêt pour un marathon en moins de 3h. Après une pause, je vais m'entraîner à nouveau mais sur des vitesses pour 3h03. Un pas à la fois. Et je vais recommencer à courir avec ma ceinture de fréquence cardiaque car je pense que je dépense beaucoup plus d'énergie que je devrais parfois. Ça pourrait m'aider à mieux gérer mon effort pour éviter de revivre Ottawa ou Amsterdam. Et idéalement, si je cours à nouveau un marathon très loin de chez moi, j'essaierai de courir celui-ci au début du voyage et non à la fin de celui-ci pour être plus focus et davantage contrôler ce que je peux contrôler avant un marathon!

Mais en attendant, je vais franchir une grande étape à la course à pied cette semaine: courir avec Mathéo dans sa poussette adaptée pour la course. J'ai super hâte...j'espère qu'il a aussi hâte que moi!!!





mercredi 23 avril 2014

Boston Strong ou Courir avec son coeur


21 avril 2014, jour du marathon

5h du matin: Mon réveil est mis pour 6h15 mais je ne m'endors plus et je me sens reposé. J'en profite pour me préparer mentalement. On est arrivé vendredi matin à Boston et avec l'ambiance festive qui règne ici, on peut presque oublier qu'on court un marathon lundi tellement. Oui, il y a beaucoup d'émotion dans l'air en raison des attentats de l'an dernier, mais tout le monde est également festif et souhaite tourner la page. La présence policière est également forte mais les contrôles se font rapidement et sont plus aléatoires qu'annoncés.





Depuis notre arrivée ici, malgré une extinction de voix et une toux qui ne me lâche pas, nous sommes allés écouter les Canadiens battre Tamba Bay dans un resto-bar (avec les rares écrans qui ne diffusaient pas le match des ennemis jurés, les Bruins), nous sommes allés marcher à Harvard, passé plusieurs heures à l'expo-marathon, été au souper de pâtes officiel et voir un match des Red Sox (marathon oblige le lendemain, nous avons quitté en 6e manche vers 21h alors qu'ils perdaient 5-0...ils ont finalement gagné 6-5!)




















Encore dans mon lit à l'hôtel, je focus sur mon marathon à venir et me rappelle alors mes 3 mantras et plan de match:

-Courir relax les premiers 25km
-Vive les côtes entre le 25e et 34e km
-M'accrocher pour les 8 derniers km

Ma blonde m'a également rappelé que je devais avoir un mantra si jamais ça allait mal. J'y vais avec celui-ci:

-Un mur, ça se grimpe!

Dans tous les cas, j'adore les marathons pour toute la gestion physique et mentale qu'ils demandent. C'est mon 10e marathon mais il y a toujours des moments plus difficiles imprévus et c'est un beau défi de relever ces difficultés. C'est souvent tentant également de marcher ou de prendre une pause mais je me suis toujours juré de ne jamais marcher dans un marathon, sauf à des stations d'aide au besoin le temps de me ravitailler.

Mon objectif est d'avoir du fun. Question temps, je pensais au départ compléter le marathon en 3h20 car j'avais réalisé que les gens courent généralement 10-15 minutes plus lentement ce marathon que leurs autres marathons, étant donné qu'il est très difficile et tôt dans l'année. Mais récemment, j'ai réalisé que je devrais pouvoir le compléter entre 3h10 et 3h15, 3h09 dans le meilleur des scénarios. Je ne souhaite pas me mettre de pression mais je devais en même temps fournir à mes supporteurs mes temps de passage prévus pour qu'ils puissent me suivre. J'espère seulement que mon état de santé sera correct et je m'encourage en pensant que j'ai bien dormi les dernières nuits et fait le plein de glucides.

JP, Francis, Julie et bébé-cachette, qui fête ses 30 semaines dans le ventre de Julie aujourd'hui, m'attendront près du 25ekm, juste avant les fameuses côtes de Boston.

Vers 6h30, je termine mes préparatifs, sans oublier mon tatoo Boston Strong sur l'épaule droite et mon bracelet noir fait des affiches de l'an dernier. Nous avons reçu à l'expo-marathon ces 2 items pour se rappeler les attentats de l'an dernier. 




J'embrasse Julie et je quitte finalement mon hôtel avec mon déjeuner dans un sac en direction des autobus qui nous transporteront à la ligne de départ, à 42,2km de Boston. Je suis calme et confiant. Je discute avec les bénévoles super sympathiques en attendant les autobus...ils sont 10 000 bénévoles à travailler pour le marathon de Boston et la logistique est toujours aussi impressionnante...600 autobus scolaires sont mobilisés pour transporter les coureurs à la ligne de départ.

Une fois au départ du marathon, nous attendons d'être appelé en fonction de nos numéros de dossards sur la ligne de départ. Je fais partie de la première des 4 vagues, coral 7 sur 9, numéro 6317, ce qui indique que j'ai réalisé le 6 317e meilleur temps de qualification parmi les 36 000 coureurs. À ma connaissance, seul le marathon de Boston permet de connaître la vitesse d'un coureur en fonction de son numéro de dossard.

On marche vers la ligne de départ et je me surprend à siffler, encore calme et confiant. Déjà, l'accueil incroyable des gens de la région se fait sentir. Des résidents de ce village ont installé une tente où ils offrent gratuitement aux coureurs des bananes et de la crème solaire! La météo s'annonce plus élevée que les moyennes de saison (plus de 20 degrés au lieu des 13 degrés habituel) et j'en profite pour mettre un peu de crème solaire. Un peu plus loin, des supporteurs se font un BBQ et nous offrent gratuitement de la bière et des beignes! :-)

Nous sommes le lundi du Patriot's Day (journée fériée au Massachussets) et c'est une tradition pour les Bostonnais qui ne courent pas le marathon d'aller encourager en fêtant...les célébrations commencent généralement dès le départ du marathon à 10h du matin!

10h du marin arrive et c'est l'hymne national, avec un moment de recueuil en mémoire des personnes décédées l'année précédente lors des attentats.

Enfin, le départ est donné.

Fidèle à mon plan de match, je pars relax sans trop me soucier de ma montre. Je cours complètement à droite, j'ai le sourire facile, tellement heureux de courir ce marathon et je donne des high five à tous les enfants qui tendent la main au départ du parcours. J'ai déjà un premier pincement au coeur en donnant un high five à un jeune garçon handicapé. Je me dis qu'il ne pourra probablement jamais courir de sa vie alors que je suis heureux d'avoir découvert la course à pied il y a 4 ans. Je poursuis ma tournée de high five et quelques kilomètres plus loin, j'entends très fort BOS-TON BOS-TON BOS-TON. On passe devant un pub un peu au milieu de nulle part où des dizaines de jeunes étudiants boivent de la bière en brandissant le poing et en criant à notre passage. Ils sont debout devant le pub, sur la terrasse et sur le toit. Je souris.

Je poursuis ma course et consulte ma montre de temps en temps pour voir ma vitesse. J'anticipais courir à 4m22 le km environ pour cette section et je suis à 4m20 confortable. Tant mieux.

Tout se passe bien pour les 20 premiers km, j'ai le sourire facile et ma vitesse est constante. Je commence par contre déjà à me lancer des verres d'eau dans le cou et sur la poitrine avec la température qui approche les 20 degrés. Je continue à donner des high five à des centaines d'enfants et ça me donne autant de plaisir qu'à eux.  Je fais également le plein de quartiers d'oranges que de nombreux supporteurs, surtout des enfants, nous tendent. Autour du 15ekm, je dépasse un groupe de personnes handicapées, incluant le fameux Team Hoyt qui court son dernier marathon de Boston avec son garçon. Je crie pour l'encourager. Je dépasse également une petite personne, John, qui était en voie d'être la première personne de petite taille à compléter le marathon de Boston l'an dernier lorsque les bombes ont explosé. Je suis triste pour lui de le voir déjà en train de marcher, avec le nom de son gars écrit sur son chandail. Je l'encourage à persévérer.

J'arrive finalement à l'endroit où j'avais frappé un mur il y a 2 ans: les filles du Wellesley College. J'en avais embrassé une et le reste de ma course était devenu un souvenir vague et pénible. Cette fois, je me sens en pleine forme et je décide de me contenter de leur envoyer des becs soufflés, décidant que je garderai mon baiser pour Julie qui m'attend quelques kilomètres plus loin. J'ai un gros sourire à les regarder, des centaines avec des pancartes les incitant à les embrasser. Je consulte ma montre et je réalise que je franchirai le cap du demi-marathon en tout juste plus de 1h30 (1h31 en fait), plus rapidement que mes meilleures prévisions.

Je cours pour avoir du fun et je décide que c'est le temps d'ouvrir la machine et de me faire encore plus plaisir! Je décide en même temps que le slogan de cette année étant Boston Strong, je ne vais pas me ménager et je vise de compléter le marathon en moins de 3h10. Je commence à dépasser beaucoup de coureurs et j'atteins régulièrement des vitesses plus près d'un demi-marathon que d'un marathon mais je me sens bien. Je dépasse ainsi des centaines et des centaines de coureurs jusqu'à ce que je trouve enfin Julie qui crie très fort à ma vue. Je cours vers elle, m'arrête l'embrasser et lui dit que ça va super bien et de m'attendre à la ligne d'arrivée entre 3h05 et 3h10.

J'avais déjà augmenté la vitesse mais là j'ai des ailes! Je dépasse cette fois des centaines de coureurs dans les côtes, étant dans mon élément naturel avec 90% des mes entraînements ayant eu lieu dans les côtes autour du Parc Maisonneuve (vive Pie IX!) et sur le Mont-Royal. J'ai énormément de plaisir à relever ce défi et j'aperçois en haut d'une côte une arche indiquant Hearthbreak Hill is over!, la côte finale la plus difficile de laquelle je n'avais aucun souvenir il y a 2 ans! Je suis rendu au 34ekm et je constate avec surprise que j'ai couru à la même vitesse toutes ces côtes que les premiers 20km du marathon qui étaient légèrement en descentes! J'ai une moyenne de 4m20 le km après 34km. Je n'en reviens pas.

Je suis fier et super heureux et je réalise que je pourrais même courir mon marathon le plus rapide si je réussis à conserver le même rythme (3h04m56s)! Boston Strong! Je réalise à quel point ce marathon est unique et un superbe défi. Je donne tout dans les 8 derniers km, encouragé par la foule de 1 million de personnes. J'ai lu après la course qu'un gars qui a participé aux Jeux Olympiques mentionnait qu'il y avait plus d'ambiance à Boston qu'aux Jeux Olympiques et que ça durait pendant 3 heures en plus! Je n'ai aucune difficulté à le croire. Je suis également heureux de croiser Julie, l'autre petite personne qui avait été arrêté l'an dernier près de la ligne d'arrivée du marathon, et qui semble en grande forme. Impressionnant et inspirant car ces personnes ont pratiquement le double de foulées à faire pour compléter la même distance que moi.

Je mentirais de dire que les 8 derniers kilomètres étaient faciles. J'ai serré les dents souvent dans les descentes car mes quadriceps chauffaient et je tentais de garder la même vitesse. Il faisait également plus de 20 degrés et je devais m'asperger d'eau partout, incluant sur la tête, à presque toutes les stations d'aide (à chaque 1,6km). J'ai commencé à voir un peu d'étoiles à 3km de la ligne d'arrivée et j'essayais de me concentrer sur ma technique. J'ai réalisé que je ne ferais pas mon meilleur temps mais que j'allais être tout juste au-dessus de 3h05.

Au dernier tournant sur Bolyston Street, j'ai tout donné dans le sprint final qui m'a semblé interminable et j'ai levé les bras de fierté dans les airs. Pas autant pour mon temps final (3h06m14s, seulement 78 secondes plus lentement que mon meilleur temps mais sur un parcours vraiment plus difficile) mais pour avoir eu autant de plaisir et d'avoir donné le meilleur de moi-même.

Plus tard, j'apprendrai que j'aurai finalement dépassé plus de 3 000 coureurs pour terminer le marathon en 3 426e place, dans le premier 10% des coureurs!

Les bénévoles nous remettent nos médailles en nous remerciant comme d'autres l'ont fait au cours du week-end pour être venu courir à Boston. C'est plutôt à nous de les remercier d'être là et c'est eux en plus qui étaient la cible des attentats l'an dernier. J'embrasse ma médaille qu'on me dépose autour du cou, je m'asperge d'eau sur la tête et j'ai un sourire stupide au visage jusqu'à ce que je retrouve mes quatre supporteurs.



 Après une douche, une courte sieste (et mon classique gâteau au fromage d'après-marathon!) et les retrouvailles avec les autres amis coureurs, nous allons au plus vieux stade de baseball en Amérique, le Fenway Park, pour un pré-party privé. Le trophée de la série mondiale est sur place pour une prise de photos, tout comme la mascotte de l'équipe. On transfère par la suite au House of Blues, une sorte de Metropolis, où les gagnants du jour reçoivent leur trophée. C'est incroyable d'assister à la remise du trophée du premier Américain à remporter ce marathon depuis plus de 30 ans, le vieux Meb âgé de 38 ans! Le DJ est en feu et la piste de danse s'enflamme ensuite, rien de tel pour faire circuler l'acide lactique. Même Julie et sa bédaine est de la fête jusqu'à la fin du party vers 23h30.



J'avais dit à Julie il y a plusieurs semaines/mois que ce serait mon dernier marathon de Boston avant plusieurs années, souhaitant y retourner pour l'encourager lorsqu'elle se qualifiera de son côté. Il y a plusieurs autres marathons à faire au monde. Par contre, il n'y a qu'un seul marathon de Boston et Julie adore m'accompagner pour ce week-end...on se garde donc la porte ouverte pour voir à chaque année si j'y retourne ou non!

J'encourage fortement tout ceux qui peuvent s'y qualifier de le faire et vous comprendrez tout de suite pourquoi de nombreux coureurs y retournent année après année. Ce n'est pas seulement pour la fierté d'avoir réussi le temps de qualification, c'est également pour le support incroyable des gens de Boston lors de ce week-end.

D'ici ma prochaine visite à Boston, mon plus gros défi de l'année est encore devant moi: courir celui d'Ottawa en moins de 3h dans 5 semaines. Courir celui de Boston en 3h06 me donne énormément de confiance (Ottawa est vraiment facile et rapide comme marathon en comparaison à celui de Boston et en plus il y aura un lapin pour 3h) mais en même temps, je suis hyper heureux de mon résultat à Boston cette année qui a probablement été mon meilleur marathon à vie compte tenu du parcours. À suivre donc pour ce qui sera mon dernier marathon avant de devenir père au début juillet...:-) Et pour ça, j'ai encore plus hâte que j'avais hâte au marathon de Boston!!!